Les recherches de l’économiste Claudia Goldin indiquent que l’intégration des femmes sur le marché du travail et le partage des tâches domestiques avec les hommes ont un impact majeur sur la décision d’avoir des enfants.
La baisse de la natalité dans les pays avancés est devenue une véritable énigme, car les politiques qui tentent d’enrayer ce déclin ont toutes échoué jusqu’à présent ! Une fois de plus, une partie de la vérité sur les causes complexes de la baisse de la natalité dans tous les pays avancés nous vient d’outre-Atlantique. L’économiste Claudia Goldin, récompensée par le prix Nobel en 2023, démontre que l’intégration des femmes au marché du travail et le partage des tâches domestiques entre les femmes et les hommes jouent un rôle majeur dans la décision d’avoir un enfant.
Ainsi, le débat sur ses multiples causes est relancé et ne se limite plus seulement aux habituelles causes évoquées, comme l’insuffisance des politiques familiales, les revenus trop faibles des jeunes générations, le chômage, les difficultés du logement, la perte de confiance dans l’avenir ou encore l’éco-anxiété. Nous avions l’habitude de considérer que notre ambitieuse politique familiale était à l’origine d’un renouvellement satisfaisant des générations et nous dispensait de ce débat. Mais la France n’y échappera pas , avec une fécondité chutant de 2,03 enfants par femme en 2010 à 1,68 en 2023, cette baisse se poursuivant en 2024.
Risques économiques
Il n’y a pas de vérité unique et c’est la raison pour laquelle la Chaire TDTE a réalisé deux études sur cette question majeure. La première consiste à montrer que la baisse de la fécondité, si elle se poursuit, va mener à la stagnation économique préjudiciable au bien-être et à la déstabilisation du système de retraite devenant impossible à financer. Ainsi, nous avons montré qu’une fécondité qui se stabiliserait à hauteur de 1,3 enfant par femme, comme en Italie, ferait chuter sur le long terme le PIB de 3 points, ce qui est considérable ; au-delà, la chute serait bien plus sévère, compte tenu d’une baisse notable de la population active. On redécouvre une vérité de longue date, une fécondité trop faible ou trop élevée pénalise la croissance économique.
La deuxième étude consiste à mettre en évidence, au sein de cette liste pléthorique, les facteurs primordiaux, principalement les politiques familiales, l’intégration des femmes sur le marché du travail et le marché immobilier, des facteurs surestimés ou sous-estimés. Les politiques familiales favorisent indiscutablement les naissances, comme nous l’avons montré ; une hausse des dépenses en faveur des familles de 30 % en France induirait sur le long terme une hausse de la fécondité de 0,15 enfant par femme. Rien de miraculeux et on a donc bien tort de surévaluer ses effets. Les pays comme le Japon et la Corée du Sud ont considérablement accru les dépenses en faveur des familles, sans réussir à inverser la tendance et sans même stopper le déclin de la natalité !
Problème structurel
Par contre, sont sous-estimés la meilleure intégration des femmes sur le marché du travail, facteur favorisant les naissances, et le meilleur partage des tâches domestiques. Ainsi, augmenter le travail domestique des hommes de 1,5 heure par jour induirait une hausse de la fécondité (0,3 enfant par femme) suffisante pour le renouvellement des générations ! Sous-estimée également, la hausse du prix de l’immobilier qui handicape fortement les jeunes couples et les conduit à retarder leur projet de parentalité.
Que faut-il en déduire ? Nous sommes confrontés à un problème très structurel. Il nous faut sortir de la croyance en un problème conjoncturel et en un retournement qui nous surprendrait heureusement ! Certes, il ne sera pas facile de bouleverser le marché du travail, et encore moins le partage des tâches domestiques entre hommes et femmes , et de rendre le logement plus accessible aux jeunes couples. Comme toute énigme, elle a vocation à être résolue par la levée des blocages réels, ce qui devrait nous aider à retrouver le chemin du renouvellement des générations.