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« Les fusions bancaires transfrontalières sont-elles souhaitables ? »

La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, estime que les fusions transfrontalières entre banques de l’UE sont « souhaitables ». Pour Jean-Paul Betbeze, un rapprochement entre établissements bancaires est nécessaire pour renforcer leur compétitivité

Oui ! Obligatoires, même ! C’est une des idées majeures du Rapport Draghi, présenté au Parlement européen. Il faut plus de croissance en Europe, donc plus de compétitivité et d’investissement, donc des banques plus fortes pour octroyer plus de crédits plus importants. Elles seront moins nombreuses, ce qui pose des problèmes de gestion de leurs risques en cas de difficultés, mais aussi sociaux et politiques, car certaines ne seront plus liées à un seul pays, à un seul drapeau.

D’abord, pourquoi des fusions bancaires ? La raison n’est pas directe :  depuis 2019, la production par travailleur a augmenté en Europe de 0,5% l’an contre 1,6% aux États-Unis. Avec un tel écart, le poids économique entre les deux PIB réels s’est creusé, passant de 17% en 2002 à 30% en 2023. L’Europe, si rien ne change, va glisser dans le podium mondial, entre des États-Unis qui avancent de 2 à 3% l’an, une Chine qui veut revenir à 4% et une Union Européenne à 1% environ. Pour accélérer, il faudra, selon le Rapport, 800 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an, pour « tenir ». Ceci implique que l’investissement passe de 22 à 27% du PIB, avec plus de mobilisation des épargnes interne et externe, autrement dit des banques et des marchés financiers.

Pour les banques, comme pour toute entreprise, quand la croissance ralentit et que les taux d’intérêt baissent, fusionner s’impose. C’est d’autant plus vrai dans ce secteur qu’y jouent deux types d’économie d’échelle : celle des coûts des réseaux, en répartissant sur plus de comptes les frais de structure et d’organisation, celle du traitement de l’information pour optimiser les besoins et affiner les risques, en ajustant les taux. Quand les banques fusionnent, elles peuvent prendre des risques plus importants, mieux les calculer et les diversifier, avec plus de fonds pour compenser leurs pertes éventuelles. Elles peuvent devenir plus rentables et attirer plus de dépôts et d’actionnaires.

Ces banques plus grosses en Europe sont mécaniquement tenues de prêter dans plusieurs pays, ce qui réduit les écarts de conjoncture entre eux, et leur risque propre. Elles vont accompagner des financements plus sophistiqués, combinant banque et marchés, ce qui rendra plus efficace la politique de la BCE. N’oublions pas que le financement des Etats-Unis se fait aux deux tiers par les marchés et un tiers par crédit bancaire. C’est l’inverse dans le cas européen, ce qui lisse les taux et diminue d’autant l’efficacité de la BCE. Christine Lagarde est donc bien d’accord avec cette démarche et le Rapport Draghi, de son prédécesseur : ils ont ce même problème.

Les freins à des fusions bancaires ne sont donc pas tant liés aux risques que feraient peser sur l’économie européenne les pertes d’une banque plus grosse, ce qu’on entend souvent. En effet, les banques dites systémiques sont suivies dans une direction séparée de la BCE à Francfort et les fusions y sont examinées. Elles permettent de réduire les risques d’un financement plus concentré sur un pays et de renforcer l’efficacité de la BCE, la rapprochant de l’environnement de la Fed. Une raison des freins aux rapprochements est syndicale, liée à l’effet sur l’emploi des fusions bancaires, mais chercher des économies d’échelle, c’est vouloir réduire les coûts.

La raison principale des oppositions est politique. En France, où le secteur est très concentré, ce n’est pas un hasard si le CCF a été la dernière banque « classique » à être achetée, puis revendue à perte à un fonds américain, en quête d’une clientèle plus aisée. En Allemagne, le refus des autorités du rachat de Commerzbank par la banque italienne Unicredit est une autre preuve. Les banques qui naissent aujourd’hui sont électroniques, pour traiter liquidités et placements. Elles proposent des tarifs compétitifs, pompent la liquidité des banques installées, poussent aux fermetures de guichets et aux concentrations. L’histoire n’est pas finie.

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