Le Prix du Meilleur Jeune Économiste 2025, décerné à Antonin Bergeaud, distingue une recherche tournée vers les grandes ruptures économiques, technologiques et écologiques.
À mesure que les économies traversent des chocs de plus en plus profonds – climatiques, technologiques, géopolitiques, démographiques – une nouvelle génération d’économistes s’attache à les comprendre pour mieux les penser. C’est cette exigence de rigueur scientifique au service des grands enjeux contemporains qu’est venu saluer, une fois encore, le Prix du Meilleur Jeune Économiste.
Pour sa 26e édition, le jury a choisi de distinguer Antonin Bergeaud, 35 ans, professeur associé au département d’économie d’HEC Paris. Spécialiste de la croissance à long terme et de l’économie de l’innovation, il inscrit ses recherches dans une interrogation cruciale : à quelles conditions l’innovation peut-elle encore nourrir une croissance partagée, durable, équitable ?
L’innovation, entre promesses et désillusion
Dans ses travaux académiques, mais aussi dans son essai Le bel avenir de la croissance (coécrit avec Gilbert Cette et Rémy Lecat), Antonin Bergeaud explore les ressorts de la croissance depuis le XXe siècle pour éclairer les blocages contemporains. Son approche articule l’analyse des différences de productivité entre entreprises, l’étude fine de la diffusion technologique et la montée en puissance de l’intelligence artificielle comme facteur de transformation – voire de dislocation – du monde du travail.
Alors que la promesse d’un « monde d’après » fondé sur les technologies numériques tarde à se traduire dans les chiffres de la productivité, ses recherches interrogent un paradoxe bien connu des économistes : comment expliquer que nous soyons entourés d’innovations – mais de moins en moins productifs ? Plus fondamentalement encore, comment lutter contre le ralentissement séculaire de la croissance sans creuser les inégalités ?
Ces questions feront écho au thème des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 2025, intitulées cette année « Affronter le choc des réalités », où Antonin Bergeaud coordonnera une session.
Des nominés au cœur des grandes ruptures
Les trois économistes nommés aux côtés d’Antonin Bergeaud traduisent, eux aussi, cette volonté de penser l’économie à partir des ruptures contemporaines. Adrien Bilal, professeur à Stanford, s’impose comme l’un des chercheurs les plus innovants sur les impacts macroéconomiques du changement climatique. L’un de ses travaux majeurs montre que les pertes économiques liées au réchauffement pourraient être jusqu’à six fois supérieures aux estimations actuelles, atteignant 25 % du PIB mondial par degré de réchauffement. Une recherche aux implications colossales pour les politiques climatiques. Lauriane Mouysset, chercheuse au CNRS, croise économie, écologie et philosophie pour construire une économie de la biodiversité qui refuse de réduire la nature à une valeur monétaire. Dans ses modèles bio-économiques appliqués à l’agriculture, elle propose une approche éthique et interdisciplinaire de la crise écologique – jusqu’à la médiation artistique qu’elle mobilise pour rendre ses travaux accessibles au grand public. Mathieu Parenti, professeur à l’École d’économie de Paris, développe une expertise précieuse sur les externalités environnementales et fiscales en économie ouverte. À travers l’analyse des comportements des multinationales et la conception d’instruments de régulation, il éclaire la manière dont la mondialisation peut – ou non – être compatible avec la justice fiscale et environnementale.
À travers ces parcours, le Prix du Meilleur Jeune Économiste 2025 dessine les contours d’une économie concrète, ancrée dans les mutations du monde et soucieuse d’éclairer les décisions publiques. Alors que l’instabilité devient la norme et que les chocs se multiplient, la recherche économique n’a jamais été aussi nécessaire pour donner sens, cap et méthode à l’action collective.
