Le décrochage spatial européen devient de plus en plus visible. Alors que le marché spatial mondial croît de 10 % par an, l’Europe, fragmentée et distancée, peine à suivre. La France risque d’y jouer de plus en plus les seconds couteaux, prévient Christian Saint-Etienne.
En mai 1975, 11 Etats européens ont créé l’Agence spatiale européenne (ESA), une organisation intergouvernementale indépendante de l’Union européenne (UE). Ces deux organisations travaillent ensemble. L’ESA mène, par exemple, le développement des programmes Galileo ou Iris. Galileo est le système de navigation par satellite de l’UE, plus précis que le GPS américain. Iris doit mettre en place une constellation de satellites de télécommunications fournissant des liaisons sécurisées et à haut débit en compétition avec Starlink.
L’ESA compte aujourd’hui 23 pays membres, dont trois hors UE : le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse. Son budget pour 2025 atteint 7,7 milliards d’euros. L’agence structure son action autour de trois programmes phares : l’observation de la Terre avec Copernicus, la navigation avec Galileo et le transport spatial. Elle exploite deux lanceurs, Ariane 6 et Vega C. Par ailleurs, plusieurs projets de lanceurs réutilisables progressent désormais en développement.
La suprématie de Starlink
On pourrait en déduire que l’Europe spatiale est puissante. En réalité, c’est un nain. Elle a pris du retard dans les satellites de communication en orbite basse. Starlink a mis en orbite plus de 8.000 satellites contre 650 pour Eutelsat Oneweb. L’entreprise domine l’Internet spatial haut débit avec deux tiers du marché mondial. Iris, commandé par la Commission européenne à SpaceRise vise à accélérer dans ce domaine. Le programme prévoit 300 satellites d’ici 2030, mais l’Allemagne ne le soutient pas car elle veut construire un système militaire national.
Des moyens techniques et financiers insuffisants
Si la précision d’Ariane 6 pour l’insertion des satellites est exceptionnelle avec une montée en exploitation très rapide, la fusée n’est pas réutilisable. Le budget de la NASA est de 25 milliards de dollars – trois fois celui de l’ESA – dont 12 milliards de dollars consacrés à l’exploration spatiale contre 770 millions d’euros pour l’ESA.
Les dépenses spatiales de l’Europe ne représentent plus que 10 % du total mondial. Elles étaient encore de 15 % il y a cinq ans. Les États-Unis comptent pour 60 % et la Chine pour 20 %. Le secteur spatial mondial progresse de 10 % par an, mais l’Europe est dépassée. Ce domaine est pourtant crucial pour la navigation, la conduite autonome, la défense et les paiements bancaires. L’UE est dépassée dans l’espace comme dans la production des microprocesseurs au cœur de la révolution numérique.
« La France ne peut pas simultanément dépenser 1.000 milliards d’euros par an en protection sociale et financer plus de 1,2 milliard d’euros par an pour sa contribution à l’ESA. Tels sont nos choix. »
Vers un budget européen renforcé
Un budget de 22 milliards d’euros pour la période 2026-2028 a été décidé le 27 novembre 2025, contre 17 milliards pour 2023-2025. Si Iris disparaît, les conséquences seront lourdes. Dans ce contexte, la France deviendra le deuxième contributeur avec 3,6 milliards d’euros, derrière l’Allemagne à 5,1 milliards et devant l’Italie à 3,5 milliards. De plus, la France ne peut pas dépenser simultanément 1.000 milliards d’euros par an en protection sociale et financer plus de 1,2 milliard par an pour sa contribution à l’ESA. Tels sont nos choix.
La priorité française dans l’ESA porte sur le transport spatial avec Ariane 6, la fusée Maia et le Centre spatial guyanais de Kourou. La politique spatiale française passe aussi par le CNES et le ministère des Armées. Tous vecteurs confondus, la France va consacrer 25 milliards au spatial d’ici 2030, contre 40 milliards pour l’Allemagne. L’Allemagne ambitionne de prendre le leadership du spatial à la France dans l’Union européenne. Néanmoins, la France dispose encore d’une base industrielle et technologique spatiale de premier plan. La développer est une nécessité vitale.
