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A quoi la 27e COP a-t-elle été utile ?

La COP27 vient de se refermer en Egypte sur un bilan pour le moins contrasté. Selon Patrice Geoffron, une progression notable concerne la couverture des « pertes et préjudices » encourus par les pays les plus fragiles.

COP26 + 1 = COP27… Nous sommes « acclimatés » à ces additions et, depuis 2015 et les espoirs suscités par la COP 21, nous restons dans l’attente d’une mise en œuvre volontariste de l’Accord de Paris. Sans rupture observable à ce stade : comme révélé il y a peu par le Global Carbon Project, la nouvelle progression des émissions de CO2 en 2022 (de +1 %, soit environ les consommations annuelles de 70 millions de véhicules), porte à 50 % le risque d’atteindre les 1,5° C d’ici 10 ans.

Dans ce panorama, la COP égyptienne ne délivre pas d’avancée spectaculaire. Mais cette conférence, au-delà de cette sensation « d’à-quoi-bon » qui s’impose à nous, mérite un bilan circonstancié.

Pour ce qui est du cœur du problème, la COP 27 ne débouche pas sur des engagements plus ambitieux en matière de réduction de l’usage des énergies fossiles. Certes, le texte final souligne que « pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, il faut réduire rapidement, profondément et durablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019 », mais sans pointer spécifiquement le pétrole et le gaz. Dans le prolongement d’une « ostracisation » du charbon l’an dernier, l’Inde, rejointe par l’UE et le Royaume-Uni, avait appelé à un engagement à éliminer progressivement tous les combustibles fossiles, mais sans consensus (et avec une opposition des pays du Golfe).

Des engagements, mais peu de mises en œuvre

Toutefois, dès lors que plus de 90 % des émissions mondiales sont issues de pays qui ont d’ores et déjà annoncé une volonté d’être neutres en carbone vers le milieu du siècle, l’urgence n’était sans doute pas à rehausser les engagements, mais à crédibiliser la mise en œuvre dans cette décennie de ceux déjà fixés. La COP 26 avait accouché du « pacte de Glasgow » structurant des coalitions de pays autour d’objectifs tels que la sortie du charbon, la diminution des fuites de méthane ou bien encore la réduction de la déforestation. Sans marquer d’avancées spectaculaires, les discussions tenues à Charm el-Cheikh ont étendu ces coalitions à visée « opérationnelle » : celle relative au méthane réunit désormais 150 pays (30 % de plus Glasgow), avec comme but de réduire les fuites d’au moins 30% d’ici 2030 (ce qui est essentiel compte tenu du pouvoir élevé d’effet de serre de ce gaz, plus intensif que le CO2). De même, la coalition contre la déforestation réunit des pays qui abritent 85% des forêts mondiales… Brésil compris. Avec l’élection de Lula, cet ensemble gagne sans doute en consistance.

Quoi qu’il en soit, et sans nul doute, la COP 27 n’aura pas acté de progrès réels dans ces domaines : « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a conclu le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Une progression notable

La progression notable est plutôt à rechercher du côté de la couverture des « pertes et préjudices » encourus par les pays les plus fragiles. Cette revendication, poussée depuis une trentaine d’année, avait continûment été écartée par les pays historiquement les plus émetteurs (mécaniquement responsables des dommages présents et à venir). Le lancement d’un fonds, d’environ 200 millions d’euros pour l’heure, est destiné à couvrir les conséquences subies par les pays « particulièrement vulnérables » (restreignant le champ des bénéficiaires potentiels). Au-delà de ce fonds, la conclusion de la COP 27 invite également à une réforme du système financier (notamment dans les fonds multilatéraux de soutien au développement) de façon à accompagner la transition des pays vulnérables et leur adaptation aux effets du changement climatique. Les conditions de mise en œuvre devront en être précisées à la COP 28. On saura alors si ces orientations contribuent à restaurer la confiance entre le Sud et le Nord et la crédibilité de l’Accord de Paris, sachant que la prochaine COP (à Dubaï) se tiendra au terme d’une année sans doute encore dominée par l’instabilité sur les marchés énergétiques et alimentaires.

 


 

Patrice Geoffron, Membre du Cercle des économistes et Professeur à l’université Paris-Dauphine

 

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