Hasard du calendrier, les 20e Rencontres Économiques #AixEnSeine, organisées par le Cercle des économistes, se sont tenues en plein remaniement ministériel. Réunis à Paris du 3 au 5 juillet, trois cents acteurs économiques et sociaux ont débattu des moyens de sortir de la crise. Objectif : être plus forts car plus unis, en France et en Europe.
La France est en risque ! Pour sortir vainqueurs de cette crise, nous sommes convaincus que seules des solutions audacieuses et innovantes pourront éviter des difficultés économiques et sociales majeures, de longue durée, et renouveler nos relations européennes et internationales. Pour cela, il s’agit d’apporter des réponses à un certain nombre de questions.
Jusqu’où faut-il relocaliser les productions ? Ce qui implique de s’interroger sur les critères, les exigences de rentabilité, et les capacités de financement des investissements massifs d’infrastructures qu’il faudra réaliser dans les années qui viennent. Il nous faut également réfléchir au compromis à trouver entre les urgences, sur le plan du chômage, notamment des jeunes, et la volonté de verdir la croissance.
Ceci nous a conduits à quinze propositions, selon huit axes.
Axe n°1 : Donner la priorité à la jeunesse
- Demander au MEDEF, à la CPME et à l’U2P de s’engager avant fin juillet à ce que les entreprises s’engagent à recruter au minimum un jeune en fin d’études. Ce recrutement sera pris en charge totalement ou partiellement par l’Etat pour un an. Pour ceux n’ayant pas pu bénéficier de ce dispositif, il s’agira de proposer de poursuivre une formation d’un an, rémunérée au RSA. Enfin, pour les jeunes peu qualifiés, proposition de multiplier par dix toutes les formations de requalification (CNAM, écoles de la seconde chance, etc.) en les tournant vers les secteurs créant de l’emploi.
- Baisser et, au minimum, lutter contre la hausse des prix de l’immobilier en régulant le prix du foncier, en allongeant la durée des prêts immobiliers, en supprimant la TVA pour la première acquisition et en organisant des opérations de démantèlement entre foncier et bâti, et, ou entre usufruit et nue-propriété.
Axe n°2 : Relancer au niveau européen et français les filières productives innovantes
- Mettre en place un véritable Buy European Act, sur le modèle américain, pour réserver aux entreprises européennes l’accès aux marchés publics dans certains secteurs, dont la santé et l’écologie.
- Pour reconquérir la maîtrise des chaînes de valeur dans des domaines stratégiques et à haute valeur ajoutée, créer des agences européennes sur le modèle des DARPA et BARDA américaines, pour financer les innovations de rupture. Ces agences couvriraient les domaines de la défense, de l’énergie, du numérique et de la santé.
- Annuler le remboursement des intérêts des prêts garantis et reporter le début du remboursement du capital de la dette à un minimum de cinq ans. Pour redonner confiance aux entreprises qui sont inquiètes d’une possibilité de faillite, il est proposé de transformer les prêts garantis en prêts participatifs ou en quasi fonds propres. Mais comme la démarche risque d’être très complexe et inadaptée en calendrier, proposition d’annuler les intérêts des prêts garantis sous condition exprimée par les banques qu’il ne s’agit pas de “zombies”.
Axe n°3 : Créer des emplois, lutter contre la pauvreté et favoriser la mobilité
- Mettre en place un contrat de formation professionnelle de reconversion des employés licenciés des secteurs fortement touchés par la crise (aéronautique, automobile, etc.) pour les former aux secteurs créant de l’emploi (technologies de l’information et environnement par exemple), dans l’objectif d’empêcher une hausse du chômage structurel.
- Créer une allocation unique universelle qui regroupe toutes les prestations sociales existantes de lutte contre la pauvreté et la précarité en une prestation unique, évolutive et simple. Cela fait des années qu’on en parle, faisons-le.
- Exiger, pour les personnes vivant dans des logements sociaux, que toute proposition de changement d’emploi à une distance importante soit assortie d’une proposition de changement de logement social proche du nouveau lieu de travail.
Axe n°4 : Lutter contre les fractures territoriales
- Relancer une nouvelle étape de décentralisation, en mettant en avant le principe que, lorsqu’une compétence est transférée vers une région ou une métropole, l’Etat central s’en dessaisit. Il est nécessaire de donner aux régions toutes compétences sur l’emploi, en s’appuyant sur les bassins d’emploi, et de leur permettre d’avoir leurs propres fonds d’investissement.
Axe n°5 : Décrisper, décloisonner, rétablir les liens fondamentaux au sein de la société française
- Rendre obligatoire le chèque syndical dans les entreprises, titre de paiement émis par l’employeur au salarié, afin que ce dernier puisse financer un syndicat de son choix, sans avoir à y adhérer. Ce chèque syndical est financé en entier ou en partie par l’employeur
- Généraliser les mécanismes de participation, intéressement et actionnariat salarié dans les entreprises.
Axe n°6 : Reconstruire un Etat frugal, efficace et juste
- Modifier la logique de fonctionnement des trois fonctions publiques (d’Etat, territoriale et hospitalière) en les rendant plus efficaces. Sans modifier le statut de la fonction publique, évoluer vers un modèle d’agences à la suédoise où les administrations publiques ont une autonomie budgétaire et opèrent à partir d’objectifs sur lesquels elles sont évaluées ex-post.
Axe n° 7 : Bâtir un leadership moral de l’Europe
- Redéfinir le cadre des marchés du numérique. Il faut d’abord protéger les données personnelles au niveau européen avec la mise en place du Cloud European Act, pour s’assurer qu’elles restent la propriété des Européens. Par ailleurs, au niveau individuel, il faut mieux réglementer le consentement au partage des données privées sur les sites, afin de renforcer la maîtrise des données personnelles par les individus.
Axe n°8 : Penser long-terme, climat, financement de long-terme et intergénérationnel
- Lutter contre le réchauffement climatique en s’appuyant sur l’innovation verte que l’on incite à travers différents instruments : prix du carbone, subventions à l’innovation verte, DARPA énergie, taxe carbone aux frontières, Responsabilité Sociale des Entreprises et actions des banques centrales et des banques commerciales (climate stress test).
- Réconcilier l’exigence de rentabilité des marchés financiers avec la faible rentabilité des projets de long terme. Deux mesures doivent être mises en avant : d’abord associer les financements privés et publics, à travers la Banque Publique d’Investissement ; ensuite, donner aux pouvoirs publics la possibilité de garantir, pour les seniors, l’épargne engagée dans ces projets.