Le Cercle des économistes vient d’organiser les Rencontres Économiques de Singapour. 2 jours (14 et 15 mars) de réflexion sur « Les nouveaux horizons de l’économie mondiale». Entre une Asie confiante et une Europe plus que prudente, chacun a confronté ses expériences face à la globalisation de l’économie.
Ces Rencontres Économiques franco-singapouriennes ont permis de souligner le contraste entre l’optimisme et la confiance asiatiques, et le pessimisme et la défiance des européens / occidentaux face à la globalisation. Le ministre singapourien du commerce et de l’industrie, Chan Chun Sing, a reconnu d’emblée les bienfaits de la globalisation et de l’intégration régionale pour son pays.
Singapour est devenu un véritable centre international de transport maritime (deuxième port mondial) et de services financiers (quatrième centre financier, selon l’OCDE, premier en Asie) avec, selon le FMI, un taux de croissance du PIB réel par habitant, au cours des cinquante dernières années, parmi les plus élevés au monde. En 2018, le taux de croissance du PIB réel a été de 2,9%, le taux de chômage de 2,2% avec à la fois un excédent budgétaire de 2,4% et un excédent courant, alors que ce pays ne dispose pas vraiment de ressources naturelles. On est alors tenté de demander la recette d’un tel succès. Trois ingrédients fondamentaux apparaissent : l’intégration de travailleurs étrangers, la formation du capital humain et l’innovation technologique.
A Singapour, pas de remise en cause de la globalisation. Le Ministre Chan Chun Sing a cependant précisé que les effets de la globalisation n’étant pas homogènes, il est urgent de penser à en redistribuer les bénéfices afin d’atténuer les inégalités, de compenser les perdants et de contrer le recul des classes moyennes dans de nombreux pays. Recourant au célèbre proverbe chinois selon lequel il vaut mieux enseigner comment pêcher plutôt que de distribuer des poissons, il a insisté sur l’importance de l’éducation.
La vision européenne est moins optimiste face à la globalisation. Michel Sapin a mis en exergue la crise profonde que traversent la mondialisation et les intégrations régionales (nul besoin de s’épancher sur le Brexit et sur la montée des nationalismes) tout en rappelant que cette globalisation demeure une évidence, comme, par exemple, dans le domaine de la transition écologique et climatique, ou dans celui de la sécurité : la seule réponse possible est une action mondiale et coordonnée.
Deux domaines sont particulièrement concernés : le changement climatique et la stabilité financière. Les impacts négatifs (liés aux températures extrêmes, à la montée du niveau de la mer, etc.) sont estimés à presque 7% du PIB pour la région ASEAN d’ici 2100… alors que leur modèle de globalisation est très « carboné ». Il devient urgent de passer d’un modèle d’énergie fossile à un modèle d’énergie renouvelable. Quant à la stabilité financière, Asie du Sud-est et Européens ont bien compris l’importance d’améliorer la résilience et la stabilité du système financier : le sauvetage des banques indonésiennes lors de la crise de 1997/98 a coûté l’équivalent de 50 points de PIB. La crise financière de 2007/08 a coûté en moyenne 30 points de PIB supplémentaires de dette publique en Europe. Ici aussi la coopération internationale en termes de régulation est indispensable.
Le multilatéralisme est incontournable, il faut en surmonter les difficultés. La période de transition actuelle nécessite résilience et pragmatisme, qualité caractéristique de l’Asie, selon Kishore MahbuBani, pour qui l’Union européenne est un exemple à suivre pour l’Asie, ne serait-ce qu’en termes de coexistence pacifique. Pour Pascal Lamy, l’Asie et l’Europe ont un défi en commun à surmonter : faire face aux attaques du multilatéralisme de Trump et renforcer l’intégration politique, dans un environnement déjà économiquement intégré.