Certain pays comme les États-Unis, le Canada ou l’Allemagne retiennent plus de 60% des diplômés étranger. La France se distingue par un taux de rétention plus faible. Une faiblesse, pour un pays qui cherche à se réindustrialiser, souligne El Mouhoub Mouhoud.
En dépit des progrès des entrées liées aux « passeport talents », l’attractivité de la France pour les compétences mondiales demeure bien plus faible que celle des grands pays industrialisés. Pourtant, les politiques de réindustrialisation et de relocalisation en vogue aujourd’hui sont étroitement liées aux questions de formation et aussi d’attraction des étudiants internationaux. Aux Etats-Unis, premier pays loin devant tous les autres, pour la demande internationale des compétences en IA, l’attractivité internationale des étudiants est un puissant vecteur d’innovations technologiques et de conquête d’avantages compétitifs. Une véritable stratégie d’attractivité des compétences mondiales passe largement par l’attraction et la rétention des étudiants internationaux. Plus de 60 % des diplômés internationaux restent au Canada, aux Etats-Unis ou en Allemagne pour y être employés. La France se distingue par un taux de rétention plus faible.
Lutter contre le déclassement salarial
Trois objectifs doivent être définis. Le premier doit être de favoriser l’impact de l’attraction de la France pour les étudiants internationaux. Il faut augmenter les taux de rétention des diplômés internationaux, promouvoir l’insertion dans l’emploi pour une durée minimale de cinq ans et viser d’emblée dix ans pour la recherche et les secteurs stratégiques. Ensuite, corriger les effets de seuil des salaires d’embauche pour lutter contre le déclassement salarial qui freine l’éligibilité au passeport talents. Les salaires distribués aux candidats potentiels sont trop souvent en dessous du seuil exigé disqualifiant des candidats compétents.
« Mondialisation in situ »
Le second doit être de bénéficier des compétences des pays de l’OCDE. Cela passe d’abord par l’amélioration de nos formations en anglais pour attirer les étudiants étrangers. Les universités introduisent déjà des incitations en ce sens, mais ce n’est pas suffisant. Il faut des objectifs d’internationalisation pour les universités dans les contrats d’objectifs et de moyens passés avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il faut aussi que nos institutions d’enseignement supérieur organisent une « mondialisation in situ » des étudiants internationaux. Cela permettra de créer des liens avec leurs étudiants qui pourront ensuite étudier en France. Créer des campus à l’étranger est un moyen de conforter notre position internationale tant dans la formation que dans la recherche. La formation continue exportée dans nos campus à l’étranger est un puissant moyen de création de liens économiques et culturels avec les pays d’accueil. Cela doit être une priorité.
Le troisième objectif est de favoriser le partage du bénéfice de la fuite des cerveaux avec les pays du Sud et de favoriser le co-développement. Ouvrir des campus en Afrique, dont la population va doubler à horizon de 2050, constitue le meilleur trait-d’union avec les populations africaines avides de savoir et de formation dans un contexte de découplage géopolitique croissant avec la France. Des propositions simples peuvent être avancées. Retenir les étudiants internationaux pour une période minimale de 5 ans en France favorise les retours d’expérience vers le pays d’origine. Les entreprises du Sud comme les filiales des multinationales ont compris que ce retour des compétences après doit se traduire par des rémunérations alignées sur les salaires français à qualification égale. Il faut aussi multiplier les opérations d’alternance et d’apprentissage. Pour maintenir les élites locales sur place pour favoriser le développement économique, il faut bâtir des formations de grande qualité au niveau master en alternance/apprentissage en association avec le tissu économique local.