La dernière réforme de l’assurance chômage contient plusieurs dispositions utiles, tout en préservant un système plus avantageux que chez nos voisins, explique Philippe Trainar. Mais cela ne veut pas dire qu’elle va assez loin, ni qu’elle réglera nos problèmes structurels.
La mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage décidée en 2019 a été reportée à plusieurs reprises en raison du Covid-19. A peine entrée en vigueur en octobre 2021, le déficit persistant de l’UNEDIC a imposé de concevoir une nouvelle réforme, qui vient d’être adoptée et devrait être appliquée au 1er février 2023.
Des dispositions qui ont du sens, d’un point vu d’économique
Cette réforme comporte de nombreuses dispositions qui font sens, tout au moins d’un point de vue économique. Elle prévoit ainsi de réduire la durée d’indemnisation lorsque le taux de chômage passe au-dessous de la barre des 9%, un indicateur de bonne conjoncture dans les circonstances actuelles, ceci afin d’inciter à la reprise d’emploi. Elle prévoit aussi l’instauration d’un bonus-malus sur les cotisations chômage afin de renchérir le coût des contrats courts pour les entreprises et d’internaliser ainsi le coût social du chômage récurrent lié aux contrats courts.
Elle prévoit en outre de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le recrutement de nouveaux conseillers par Pôle emploi et la mise en place de deux demi-journées d’accompagnement intensif, mesures qui ont montré leur efficacité chez nos partenaires. Enfin, la réforme vise à consolider le retour à l’équilibre de l’assurance chômage, largement déficitaire depuis 2009 à 2021, une situation anormale pour un régime en répartition qui vise un partage du sort entre chômeurs et actifs.
Régime assurantiel ou régime redistributif
Pour autant, la réforme est loin de résoudre tous les problèmes structurels que pose l’assurance chômage en France. Tout d’abord, les conditions d’affiliation minimales pour bénéficier de l’indemnisation chômage ainsi que les durées d’indemnisation restent parmi les plus avantageuses en Europe et favorisent donc respectivement des durées d’emploi plus courtes et des durées d’indemnisation plus longues que chez nos principaux partenaires européens.
Les montants d’indemnisation se comparent, en moyenne, à celles de nos partenaires, même s’ils permettent une meilleure indemnisation des cadres, grâce à un plafond du salaire de référence plus élevé. Mais, la faiblesse structurelle majeure de notre système d’assurance chômage réside dans sa gestion et la récurrence de ses déficits. Cette faiblesse est imputable au fait que notre régime se veut assurantiel, avec pour conséquence que sa gestion en est remise aux partenaires sociaux, mais qu’il est en pratique majoritairement redistributif, de par les modalités de calcul des cotisations sociales, qui sont proportionnelles aux revenus, et des prestations sociales, qui sont moins que proportionnelles aux revenus en raison de l’existence d’une partie fixe avec pour conséquence que sa gestion devrait en être assuré par les pouvoir publics et non point par les partenaires sociaux, dont ce n’est pas la compétence.
L’inévitable reforme institutionnelle de l’assurance chômage.
De cette contradiction, naissent tous les problèmes de l’assurance chômage en France ; le fait que les partenaires sociaux négocient constamment sous la menace des pouvoirs publics ; le fait que personne n’est responsable de l’équilibre des comptes ; le fait que se sont multipliés les régimes dérogatoires visant à subventionner telle ou telle catégorie d’emplois (les intermittents du spectacle, le secteur de la construction etc.), en violation des règles de base de l’assurance. Assurance et redistribution font mauvais ménage, car elles obéissent à des logiques économiques opposées qui ne peuvent être gérées dans le même cadre institutionnel. Il faudra un jour que la France se décide en faveur d’une réforme institutionnelle cohérente de l’assurance chômage.