Si la réforme des retraites a cristallisé la colère des Français, son origine est bien plus profonde. Pour Jean-Hervé Lorenzi, il est urgent que chacun puisse redonner du sens à son travail, ce qui ne sera possible qu’au travers d’Etats généraux du travail.
Il y a une vraie urgence d’un nouveau contrat entre les Français et le travail qui dépasse largement le problème des retraites. Toutes les sorties de crises, sans exceptions, ont entraîné une demande vitale de la transformation de l’organisation du travail. C’est évidemment le cas aujourd’hui à la sortie de ce choc majeur que fut la COVID. Jamais nous ne fûmes confrontés à une telle interrogation sur ce qui définit le travail, son sens, sa valeur.
De nombreuses institutions académiques ont étudié les relations confluentes entre le travail, l’emploi et la démographie. Aujourd’hui, il faut passer à l’étape suivante, entamer une réflexion sur tous les aspects de l’organisation du travail, notamment l’insertion de la jeunesse sur le marché du travail ainsi que le maintien en emploi après 55 ans. C’est pour cela que préalablement à toute nouvelle proposition législative relative au plein emploi, une initiative regroupant institutions universitaires, syndicats, associations et pouvoirs publics est fondamentale.
Interroger la place du travail dans la vie des Français
Ces dernières années, la sensibilité des travailleurs a évolué de telle sorte qu’ils s’interrogent désormais sur la place que doit prendre le travail dans leur vie, mais aussi sur son intérêt et son utilité. C’est autour de ces questions que des résultats ont été obtenus et ont permis de mettre la lumière sur le taux d’activité des jeunes et des seniors, réfutant ainsi toute idée selon laquelle une « épidémie de flemme » gangrènerait le pays.
Un des signes majeurs des nouvelles exigences du travail se traduit dans les chiffres de l’emploi avec une difficulté d’embauche estimée à 58% en moyenne en 2022, tous secteurs confondus. Aujourd’hui, la coexistence d’un nombre important de postes vacants nous interpelle. D’autant plus qu’elle est accompagnée d’un taux de chômage qui reste élevé, même s’il est en décroissance rapide. Des emplois existent et des candidats sont disponibles. Encore faut-il que les conditions nécessaires au pourvoi de ces postes soient remplies. Et la marge d’action est importante.
Moins de 30% des jeunes en emploi
Si l’on se penche sur la réalité des chiffres, les 15 à 24 ans affichent un taux d’emploi inférieur à 30% en France, loin des Pays-Bas à 63% et de l’Allemagne à 50%. L’explication de cet écart est double. Premièrement, seulement 11% des Français cumulent emploi et activité, contre 47% en Allemagne et 57% aux Pays-Bas.
Deuxièmement, la France a une surreprésentation des NEETS, des jeunes ni en activité, ni en études, avec plus de 10% en 2022, contre 6,5% en Allemagne et 4% aux Pays-Bas. Il nous faut donc complètement rebâtir notre manière de penser le travail. De l’autre côté du spectre, si chez les 55 à 59 ans, les taux d’activité ne sont que légèrement inférieurs à nos voisins européens, nous observons un énorme écart chez les 60 à 64 ans avec seulement 37% des Français en emploi, contre 70% en Allemagne ou aux Pays-Bas.
L’urgence de relancer le débat
Face à ces constats déconcertants, des solutions existent comme le montre le rapide développement de l’apprentissage depuis deux ans. Il n’y a aucune fatalité au chômage de masse. Il faut cependant impérativement organiser un moment d’échange durant lequel quatre thèmes longtemps délaissés devront être abordés. Il s’agit de la reconnaissance pour tous les métiers, la hausse des rémunérations, une meilleure qualité de vie au travail et l’exigence de perspectives de carrière. La Chaire Transitions Démographiques Transitions Économiques est prête, parmi d’autres, à participer à leur organisation et mettre à disposition son savoir-faire de modélisation pour nourrir cette réflexion sur une ambition partagée.