L’éducation et la formation sont les principaux leviers a activer pour lutter contre les inégalités en France. Mais les réformes, si elles fonctionnent, mettront 20 ans à produire des effets.
Trop d’impôts, plus de services publics, moins d’inégalité, entend-on dans les débats. Ces demandes apparaissent contradictoires, si l’on pense que notre pays se trouve sur une sorte de frontière d’efficacité collective en termes de réduction des inégalités. Une réduction supplémentaire se traduirait alors forcément par la réduction de la taille du gâteau. Mais est-ce le cas ? La France, aujourd’hui, se regarde le nombril et oublie le monde. Trois messages s’en dégagent.
Le premier message est qu’en matière d’inégalité, à l’instar de la santé, il vaut mieux prévenir que guérir. Si les inégalités des chances sont élevées, les inégalités de résultat en termes de revenu le seront également et il sera très coûteux de les réduire.
Le second message est que les inégalités de revenu primaire se fabriquent d’abord à l’école et ensuite sur le marché de l’emploi. En particulier, l’école est le réceptacle des inégalités de la génération passée et la matrice des inégalités futures.
Le troisième message est qu’en matière d’inégalité des chances scolaires, la France est très mal placée. Une très récente étude, qui utilise les scores de l’enquête PISA, pointe la France en avant-dernière position quant à l’égalité des chances scolaires sur 20 pays européens. Les dysfonctionnements du marché du travail accentuent encore les inégalités d’écarts de qualification.
Le temps d’une génération
Il en ressort que la France n’est pas socialement efficace dans la lutte contre la reproduction des inégalités d’une génération à la suivante. Le système socialo-fiscal intervient en bout de course dans une fonction curative pour panser les plaies les plus béantes. Mais cela ne peut faire oublier que, si la France est championne des prélèvements obligatoires, ce n’est pas sans rapport avec son très mauvais classement en matière d’inégalités éducatives. A part d’être coûteuse, une telle stratégie n’est pas soutenable de surcroît quand elle est financée à crédit depuis trente ans.
La réponse à la question posée est donc que la France n’est pas sur la frontière d’efficacité productive en termes d’inégalité et de taille du gâteau à partager. Collectivement, le gâteau pourrait être un peu plus gros et les parts un peu plus égales. C’est a priori une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que ce n’est pas pour tout de suite. Il est possible de concevoir une France avec un taux de prélèvement obligatoire et un niveau d’inégalité plus faibles mais… dans une génération.
Le plan Blanquer de dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les quartiers difficiles va dans la bonne direction, mais il ne produira ses effets en termes d’inégalités de revenu primaire que dans vingt ans. Les réformes sur le marché du travail visent également à le rendre moins dysfonctionnel et à remédier aux déficiences de compétence les plus criantes et donc par là même, à rendre les compétences actuelles moins inégales.
Secteur public
En attendant, taper dans les budgets sociaux pour dégager quelques marges de manœuvre (hormis des inefficacités évidentes) n’est pas forcément la bonne solution. Les récents événements nous indiquent le risque politique associé à une telle stratégie. Elle est également contestable éthiquement, car les personnes aidées se voient à juste titre comme essentiellement victimes d’un état de fait et d’une carence d’efficacité collective ancienne dont l’ombre projetée dure des dizaines d’années.
La seule porte de sortie à court terme pour récupérer des marges de manœuvre consiste à rendre plus efficace et moins coûteux l’ensemble du secteur public. Peut-on le faire sans l’avoir inscrit dans son programme et donc sans la légitimité politique pour l’initier ?