Bien avant les sciences humaines, la littérature auscultait déjà les sociétés et les rapports entre les individus qui les composent. Plonger dans un roman et suivre les aventures de ses personnages peut donc être un complément très utile à l’économie ou à la sociologie pour comprendre le travail. Claudia Senik propose trois conseils de lecture pour ouvrir votre analyse.
Cet article est extrait du premier numéro de la revue Mermoz, « Travail : rebattre les cartes ».
Bartleby, personnage éponyme de la nouvelle de Herman Melville parue en 1853, est une figure mythique, notamment par la désinvolture avec laquelle il décline tranquillement toute demande de son employeur : « je préférerais ne pas le faire » ( I would prefer not to ). Pourquoi cette immense popularité ? C’est que le caractère comique et absurde de la situation enchante le lecteur, qui rêve peut-être, lui aussi, de pouvoir opposer une telle attitude de résistance passive face à certaines contraintes. On comprend que Bartleby échoue à trouver du sens dans une activité qui ne consiste qu’à recopier des actes notariés. On retrouve d’ailleurs peut-être un peu de Bartleby dans le phénomène de quiet quitting observé au lendemain de la pandémie de Covid-19. Réjouissons-nous qu’à l’avenir, les nouvelles technologies finissent par faire disparaître le type d’emploi fastidieux à la Bartleby. Mais espérons que d’autres emplois passionnants apparaissent, en contrepartie, car nous avons besoin de travailler pour échapper au néant qui découle du refus radical de travailler de Bartleby.
« Bartleby » d’Herman Melville • Éditions Flammarion • 208 pages • 4,00 €
Retour à Lemberg, roman historique de Philippe Sands, met en scène Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, deux juristes juifs, étudiants en droit entre les deux-guerres, au sein de la même université de Lemberg ( Lwow, Lviv ), sous la direction du même professeur, et qui imposeront respectivement dans le droit international les concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide ». Au cœur de la violence et du chaos de la guerre, c’est par l’élaboration de la loi qu’ils cherchent, chacun de leur côté, à construire l’avenir. Leur travail : argumenter, démontrer, persuader et faire inlassablement campagne pour établir dans le droit international humanitaire des concepts qui protégeront les individus et les groupes de l’extermination. Anciens condisciples, et malgré une motivation semblable, ces deux juristes se trouvent pourtant en rivalité, étant donné leur différend concernant la qualification du crime dont il s’agit d’inculper les responsables du troisième Reich, et notamment Hans Frank, gouverneur de la Pologne, lors du procès de Nuremberg. Intérêt supérieur, sacrifices, concurrence, obstination : le travail au service d’une mission sacrée.
« Retour à Lemberg » de Philippe Sands • Éditions Albin Michel • 544 pages • 23,00 €
Retour à Lemberg, roman historique de Philippe Sands, met en scène Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, deux juristes juifs, étudiants en droit entre les deux-guerres, au sein de la même université de Lemberg ( Lwow, Lviv ), sous la direction du même professeur, et qui imposeront respectivement dans le droit international les concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide ». Au cœur de la violence et du chaos de la guerre, c’est par l’élaboration de la loi qu’ils cherchent, chacun de leur côté, à construire l’avenir. Leur travail : argumenter, démontrer, persuader et faire inlassablement campagne pour établir dans le droit international humanitaire des concepts qui protégeront les individus et les groupes de l’extermination. Anciens condisciples, et malgré une motivation semblable, ces deux juristes se trouvent pourtant en rivalité, étant donné leur différend concernant la qualification du crime dont il s’agit d’inculper les responsables du troisième Reich, et notamment Hans Frank, gouverneur de la Pologne, lors du procès de Nuremberg. Intérêt supérieur, sacrifices, concurrence, obstination : le travail au service d’une mission sacrée.
« Retour à Lemberg » de Philippe Sands • Éditions Albin Michel • 544 pages • 23,00 €