En mars dernier, le cyclone Pam a frappé l’archipel de Vanuatu, provoquant la mort de trente personnes, détruisant maisons et récoltes, et contaminant les sources d’eau potable.
Ce scénario risque malheureusement de se répéter avec le réchauffement climatique qui va entraîner la recrudescence de ces phénomènes, mettant en péril l’existence même des petites îles du Pacifique. Ces pays qui subissent de plein fouet l’impact du changement climatique, sans en être responsables, offrent un exemple extrême de ce qui attend beaucoup de pays en développement très pauvres.
Les pays pauvres en développement sont à l’origine de seulement 7 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 48 % pour les pays émergents et 45 % pour les pays développés. Cependant, ces pays situés en majorité près de l’équateur vont supporter les trois quarts de l’impact du changement climatique. Outre les cyclones tropicaux, ils seront frappés par la hausse des températures, dont l’impact se fera plus sentir dans des zones déjà chaudes et sèches et par la montée du niveau de la mer, qui submergera les deltas en Egypte, en Inde et au Bangladesh.
Les pays en développement, dont la population est rurale à plus de 60 %, seront principalement affectés par l’impact du changement climatique sur l’agriculture, la pêche et les ressources forestières. Le réchauffement climatique va affecter la productivité agricole. Le rendement des sols, la disponibilité en eau et l’efficacité des engrais vont diminuer, mais la fertilisation des plantes sera facilitée par l’accroissement de CO2 si la hausse de température reste modérée. Au total, la chute des rendements agricoles pourrait atteindre 22 % en Afrique subsaharienne pour les céréales comme le millet, le maïs et le sorgho.
Face à ces changements, les ménages ruraux ne restent pas inertes. De fait, les agriculteurs pratiquent depuis toujours l’adaptation aux conditions effectives de leurs champs. Ils choisissent les plantes qu’ils cultivent, modifient les dates de plantation et de récolte. Ils prennent collectivement des mesures de conservation des terrains et des ressources en eau, au sein de leurs communautés. Si ces mesures d’adaptation ne suffisent pas, les ménages ruraux vont chercher du travail dans des activités non agricoles ou se résoudre à migrer. Cette migration, très probablement, ne prendra pas la forme de vagues considérables des pays en développement vers les pays développés, comme on l’entend annoncer de manière spectaculaire, mais plutôt de mouvements à l’intérieur du continent africain.
L’adaptation pose un problème redistributif : ce sont les plus pauvres qui ont souvent les mauvaises terres ; or, ils n’ont pas d’assurance-récolte, pas de possibilité de crédit, pas d’actifs de côté. Etre pauvre, c’est avant tout vivre dans un environnement risqué et le changement climatique exacerbe ce risque. Face à une mauvaise récolte, la tentation est grande pour les ménages ruraux pauvres de couper dans les dépenses non alimentaires, comme l’éducation ou la santé, au détriment de leur bien-être à long terme et celui de leurs enfants.
Que peuvent faire les gouvernements ? Ils peuvent tout d’abord faire respecter les droits de propriété (on est prêt à investir sur le long terme si on est sûr de ne pas être exproprié) et garantir le bon fonctionnement de la justice. Ils doivent ne pas entraver les mobilités et les relocalisations induites par le changement climatique, par des politiques de contrôle migratoire ou des barrières au commerce au nom de la sécurité alimentaire. Ils peuvent améliorer les conditions d’accès au crédit, fournir de l’information sur le changement climatique à un niveau pertinent pour les agriculteurs et encourager la recherche-développement de variétés appropriées. Enfin, ils doivent atténuer la vulnérabilité des pauvres, en offrant un filet de protection sociale.
De son côté, la communauté internationale pourrait mieux prendre en compte le rôle des communautés dans la préservation des biens publics locaux, notamment dans le mécanisme REDD+ de préservation des forêts. La lutte contre le changement climatique est un aspect de la lutte contre la pauvreté, plus précisément, contre la vulnérabilité. A ce titre, 2015 est une année particulièrement importante, avec la tenue à Paris de la conférence pour le climat et la définition des nouveaux objectifs du millénaire pour le développement qui intégreront pleinement la lutte contre le changement climatique.