La Convention citoyenne pour le climat vient de rendre ses propositions au gouvernement. Elle demande notamment l’introduction de la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution, et la création d’un crime « d’écocide ». Selon Patrice Geoffron, l’Europe ne doit pas s’éloigner de ses objectifs de verdissement de l’économie.
Des centaines de milliers d’automobiles sont en mal d’acheteurs sur des parkings, tandis que des milliers d’avions attendent le retour des voyageurs aériens sur des tarmacs.
Dans ce contexte où les menaces sur la « fin du mois » se sont répandues aussi vite que la pandémie, peut-on faire de la transition écologique l’axe d’une stratégie de sortie de crise ? Et, en Europe, peut-on encore considérer que l’objectif de neutralité carbone en 2050 doit rester le cap du changement ?
Plusieurs raisons, ancrées dans une réalité économique très tangible, invitent à garder ce cap « green » en Europe.
Tout d’abord, au cours de ces dernières années, les Européens ont importé pour environ 1 milliard d’euros de produits pétroliers et gaziers par jour. Certes, à court terme, la baisse du prix du pétrole ristournant fortement cette facture, l’Europe bénéficiera d’un effet d’aubaine. Mais la chute massive des investissements dans l’amont pétrolier débouchera, au milieu de la décennie au plus tard, sur des barils manquants : 20 millions d’unités par jour, possiblement, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (soit 20% de la consommation d’avant-crise). Face au choc pétrolier qui s’annoncera alors mécaniquement (pour peu que les pays émergents tirent à nouveau la demande), les Européens seront brusquement ramenés à leur dépendance énergétique massive. En France, nous savons depuis fin 2018, et la crise des gilets jaunes, ce que peuvent être les conséquences d’un choc pétrolier.
Ensuite, nous devons nous rappeler que la transition ne produit pas uniquement des effets globaux et lointains, mais également des bénéfices « ici et maintenant ». Des travaux ont établi de longue date que la seule amélioration de qualité de l’air pourrait compenser plus de 50 % des coûts de mise en œuvre de la transition écologique. Au sortir d’une pandémie d’atteinte des systèmes pulmonaires, ayant frappé très cruellement l’Europe, il est impératif de ne plus considérer ces pollutions de l’air comme un mal nécessaire de la « modernité ». Comme le rappelait opportunément le Trésor, dans une note février dernier, ces pollutions sont un fardeau de l’ordre de 2% du PIB/an (50 milliards d’euros) en France. Et autant de bénéfices cachés d’une transition écologique.
Enfin, en marge des réflexions des États sur leurs efforts de transition, de nombreux grands groupes industriels prennent des engagements de neutralité carbone pour la moitié du siècle (voire bien avant dans les technologies de l’information), y compris les Majors européennes : BP dès avant la crise, puis Shell et Total dernièrement. Tous ces groupes seront, progressivement, tenus de prendre en compte la décarbonation de leurs territoires d’investissement, car l’accès à une électricité et à des chaînes logistiques vertes (des ports, en passant par le fret ferroviaire et fluvial) déterminera leurs propres performances.
Selon les conclusions d’une étude récente de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), la transition écologique accroîtra de 400 dollars/an le PIB par habitant de la planète au milieu du siècle. La répartition de ces gains sera inégale entre les régions (avec une perte nette chez les exportateurs de pétrole), mais pourrait représenter pour l’Union européenne jusqu’à 3 000 dollars, faisant de ses citoyens les grands bénéficiaires de cette transition. Cela, à la condition de faire preuve de discernement dans les stratégies de sortie de crise, au début de la décennie 2020.