La grande avancée dans la lutte contre le changement climatique en 2022 n’a pas été la COP27. Comme l’explique Patrice Geoffron, malgré ses conséquences humaines dramatiques, la guerre en Ukraine a été bien plus efficace.
L’Histoire retiendra peut-être que l’année 2022 aura marqué une étape importante dans la lutte contre le changement climatique. C’est moins à la COP 27 (assez déceptive) que l’on devra un progrès marquant, qu’à la guerre en Ukraine. Ce conflit, déclenché il y a précisément un an par la Russie, s’est rapidement étendu à l’ensemble des flux de produits fossiles. Les Etats-Unis et l’Europe ont décrété différents niveaux d’embargos sur le pétrole et ses dérivés (ainsi que le charbon), tandis que la Russie coupait le gaz « à la tête du client », en préservant ses amis, comme la Hongrie et la Serbie. Le tout a fragmenté les marchés et rendu les prix fous pendant une partie de l’année (bien plus de 1000…% pour le gaz) avec comme effet d’imposer des efforts de sobriété inédits au XXIème siècle, mais aussi de rehausser l’attractivité des solutions décarbonées (renouvelables, efficacité énergétique, nucléaire également, …).
La décarbonation pour une indépendance énergétique
En plus des effets environnementaux des énergies fossiles, cette guerre rappelle que la dépendance des importateurs les place sous la menace de ruptures d’approvisionnement, risques restés assez théoriques depuis les années 1970. Cela particulièrement en Europe qui regroupe les premiers « pays émergents », au XIXème siècle, qui ont depuis lors largement brûlé leurs fossiles et découvrent leurs fragilités avec effarement : les gouvernements de l’UE (et de la Grande-Bretagne) ont dû engager 700 milliards d’euros pour amortir les effets du choc sur les ménages et les entreprises.
Certes, la politique de décarbonation de l’UE (visant la neutralité en 2050) marque la volonté d’un Vieux Continent d’assumer sa responsabilité historique dans les dérives du climat. Mais la guerre démontre, de façon aussi brutale qu’éclatante, que cette transition est également dans l’intérêt économique des Européens qui économiseront des unités d’énergie durablement plus chères qu’avant le conflit. Et qu’elle concourra, non moins que l’OTAN, à leur sécurité collective en réduisant les dépendances à l’égard de fournisseurs qui, certes, ne sont pas tous aussi préoccupants que la Russie, mais loin d’être tous aussi amicaux que la Norvège.
Les politiques de décarbonation
La réaction au choc, en 2022, a confirmé que la guerre n’a pas produit de repli dans les ambitions de décarbonation : à court-terme, le rebond du charbon a été très contenu, et fut moins vigoureux que la progression conjointe de l’éolien et du solaire, avec un recul des émissions de CO2 sur l’année d’environ 1% (à l’inverse de la progression mondiale) ; pour la prespective à moyen-terme, le plan REpowerEU de la Commission vise à remplacer les importations de gaz russe en développant du gaz verts biométhane, de l’hydrogène, et des renouvelables électriques, à un rythme plus rapide durant cette décennie qu’initialement prévu dans le « Fit for 55 » (i.e. la réduction de 55% des émissions en 2030).
Si, en matière de climat, il y a ainsi du « nouveau à l’Ouest », les défis restent immenses : maintenir la cohésion entre les Etats-membres et en leur sein au fil des prochains hivers, doubler ou tripler le rythme de déploiement des renouvelables en faisant émerger des consensus locaux, financer les efforts durables face à des taux et des dettes accrus, … Et affronter, plus à l’Ouest encore, la concurrence des Etats-Unis, à l’industrie à la fois dopée par des fossiles meilleur marché et, avec l’Inflation Réduction Act, par une politique agressive dans les technologies décarbonées, également en réaction à la guerre.