Lorsque les esprits vacillent, il est essentiel de maintenir son calme et de ne pas dévier de la trajectoire fixée, affirme Bertrand Badré.
La Climate Week, la troisième semaine de septembre, est devenue, à New York, le grand rassemblement autour de l’Assemblée générale des Nations unies, des personnes et des institutions, entreprises, associations, organisations internationales, mobilisées contre le changement climatique et en faveur de la transition énergétique. Il s’en dégage comme à chaque fois une énergie positive forte. Du chaud nécessaire pour galvaniser les esprits et les encourager à poursuivre les efforts.
Cette année révèle pourtant une atmosphère différente. A côté de ce chaud, on relève du froid et même du glacial. Voire, c’est une question de perspectives, un avis de tempêtes.
Un « moment climat » qui serait passé ?
Il y a deux ans, « The Economist » avait créé la polémique et sonné une première alarme en titrant en couverture « ESG, ces trois lettres ne sauveront pas le monde ». Il est évident que l’humeur de Wall Street, curieusement au contact direct, au sens strict du terme de la Climate Week, semble abandonner le moindre intérêt réel ou même feint pour ces questions . Pour partie sous la pression idéologique de la campagne américaine, qui persiste des deux côtés à ignorer presque totalement les questions climatiques, alors que le coût de l’ouragan Helene de ces derniers jours est déjà estimé à plus de 100 milliards de dollars, les victimes se comptant par dizaines.
Plus grave encore. J’ai été interrogé à l’issue d’une conférence sur le sujet pour savoir si au fond ces questions étaient encore à la mode et s’il n’était pas plus réaliste de commencer à tenir compte d’une certaine « fatigue » sur ces sujets. Au fond le « moment climat » serait passé et il serait peut-être temps de passer par exemple au « moment IA », jugé plus excitant ? Et qui sait ? L’intelligence artificielle nous permettra peut-être même de trouver des solutions à ce problème du climat passé de mode ?
Priorités bousculées
Les nombreux CEO et CFO rencontrés le confirment. Les questions sur la stratégie durable de leur entreprise se font plus rares ou inexistantes. L’inflation, la hausse des taux, puis la géopolitique ou l’IA évidemment ont bousculé les priorités et modifié les agendas.
Peut-on, pour autant, parler de mode quand 2024 sera une fois encore l’année la plus chaude depuis qu’on mesure les températures ; quand le nombre de réfugiés, à plus de cent millions, sera, une fois encore, le plus élevé, jamais recensé ; quand le coût des catastrophes naturelles bat lui aussi des records ; quand la question de l’égalité hommes femmes est battue en brèche en tant d’endroits…
Jacques Chirac l’avait déjà dit, en 2002 : « Notre planète brûle et nous regardons ailleurs ». Nous avions depuis, avec les Objectifs du Développement Durable puis avec les Accords de Paris, ramené notre regard vers l’essentiel, mais nous sommes tentés de nous en éloigner de nouveau. Avec une coupable légèreté.
Garder la tête « froide »
Et ce au moment même où la planète a chaque jour plus de mal à « faire planète » et à se rassembler sur cet essentiel. Nous ne sommes pas seuls au monde. Quand les pays du Sud Global – expression délicate d’emploi – envoient un message de plus en plus direct : « Vous êtes à l’origine des problèmes. Vous nous faites la morale. Vous ne nous aidez pas ou de moins en moins comme en témoigne la diminution des flux publics et privés soulignée ce printemps par le FMI et la Banque Mondiale, et en plus vous paraissez maintenant hésiter. Comment pouvons-nous vous faire confiance et agir ensemble ? »
Alors que les esprits vacillent, il y a urgence à garder la tête « froide » et à ne pas changer de cap. Les accords de 2015 confirmés et complétés sont notre feuille de route. La Climate Week n’est pas une Fashion Week thématique. Mais une étape indispensable pour nous ressaisir et nous unir pour influencer, s’il est encore temps, ce Climate Century décisif et déjà bien mal entamé. Et de le faire tous ensemble.