Alors même que plusieurs épisodes de baisse du prix du baril se sont récemment succédé, pourquoi les prix à la pompe n’ont-ils pas diminué de façon significative ?
Tout d’abord, les prix du carburant dépendent d’autres facteurs que le seul prix du baril. Le premier concerne la fiscalité, les taxes prélevées par l’Etat représentant environ 60 % du prix du carburant en France. Or, certaines de ces taxes, comme la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, sont indépendantes des fluctuations du cours du baril. Le deuxième facteur a trait aux coûts résultant de l’activité de raffinage, qui sont aujourd’hui très élevés. Troisième facteur, la marge brute de transport-distribution concerne les coûts de logistique et de distribution, ainsi que la marge commerciale du distributeur. La forte augmentation des marges de raffinage et du transport contribue à alimenter la hausse des prix du carburant indépendamment de l’évolution du cours du baril.
Le délai de réaction des consommateurs
Ensuite, lorsque le cours du baril augmente, les distributeurs – dont les marges sont faibles – subiraient des pertes trop importantes s’ils maintenaient durablement leurs prix inchangés. En revanche, si le prix du brut diminue, les distributeurs peuvent différer stratégiquement la répercussion de la baisse du prix du baril sur les prix à la pompe en jouant sur le manque d’information de la part des consommateurs – ces derniers ne sachant pas si les fluctuations constatées à la pompe proviennent des variations du prix du baril ou de celles des marges du distributeur.
En situation de forte volatilité des cours du baril, obtenir cette information est difficile, ce qui explique qu’en période de baisse du prix du brut, les distributeurs ne diminuent pas immédiatement leurs prix, profitant du délai de réaction des consommateurs pour maintenir leurs marges.
La dépréciation de l’euro annule la baisse des cours
La troisième raison concerne les coûts d’ajustement des stocks. Lorsque les capacités de stockage sont excessives, il est plus onéreux de déstocker que de stocker, en raison du coût important lié à l’acheminement du carburant vers les distributeurs – ce coût étant supérieur au coût de transport de l’usine de raffinage vers le lieu de stockage. Quand le prix du baril diminue, la demande de carburants augmente, réduisant alors les stocks durant la période d’ajustement de la production. Le déstockage étant coûteux, la baisse du prix du baril ne se répercute pas totalement sur les prix à la pompe car ceux-ci doivent prendre en compte le coût du déstockage.
Enfin, le prix du baril étant libellé en dollars, mentionnons le rôle joué par l’évolution du taux de change euro/dollar. Lorsque la devise européenne se déprécie face au billet vert, la baisse des prix du carburant affichés en euros est moins forte que la diminution observée du prix du baril affiché en dollars.
Tensions sur l’offre et incertitudes sur la demande
Prévoir l’évolution des prix à la pompe pour 2023 s’avère très difficile, notamment du fait des incertitudes liées au conflit russo-ukrainien et aux perspectives économiques mondiales. L’embargo européen sur le pétrole russe peut conduire à des tensions sur l’offre, à même de tirer le prix du brut, et donc ceux à la pompe, vers le haut. Au contraire, du côté de la demande, les incertitudes quant à un possible ralentissement de l’activité économique en Chine ont tendance à tirer le prix vers le bas. Enfin, le rôle de l’Opep ne doit pas être négligé, puisque le cartel peut, en cas de forte baisse du prix du brut, décider de renforcer les quotas de production afin de soutenir les cours.