Pour financer la transition énergétique, un acteur se démarque : le Private Equity, rapporte Philippe Trainar.
Les études sur la transition climatique se multiplient répétant invariablement le message selon lequel cette transition supposerait un important investissement. Les chiffres fort savants, que citent ces études, donnent le tournis. Le rapport Pisani-Ferry évoque ainsi un consensus tournant autour d’un besoin total d’investissement supplémentaire de l’ordre de 2 à 3% du PIB par an jusqu’en 2050 (60-80 milliards d’euros). Or, en 2022, l’Union européenne et ses 27 États membres n’ont versé qu’une contribution que d’une trentaine de milliards d’euros pour financer la lutte contre le changement climatique, auquel il faut ajouter plus d’une dizaine de milliards d’euros en financement privé afin d’aider les pays en développement. Naturellement, ces estimations du besoin en investissement sont purement spéculatives. Elles sont extrêmement fragiles : qui peut savoir quelle est l’ampleur des investissements nécessaires pour mettre au point une technologie de décarbonation économiquement viable ? qui peut chiffrer les investissements nécessaires pour promouvoir l’hydrogène comme énergie alternative ? etc. La seule chose dont soyons vraiment sûrs est que nous avons besoin d’un très grand nombre d’innovation pour assurer une transition énergétique complète, qui nous permette de sortir des énergies non-renouvelables et de d’assurer le succès de la stratégie Net-Zéro.
Outsiders énergétique
Décideurs et experts donnent aujourd’hui l’impression qu’ils attendent cette transition des acteurs en place. Le lobbying des ONG vise ainsi à faire pression sur les grandes entreprises établies, notamment sur les entreprises cotées, pour qu’elles mettent en place des stratégies crédibles de sortie inconditionnelle des énergies non-renouvelables. La taxonomie européenne va encore plus loin en proposant une typologie des entreprises en brunes et vertes. Mais, tout cela n’est qu’illusion et « poudre jetée aux yeux ». A-t-on jamais vu des innovations technologiques de grande ampleur se faire à partir des entreprises en place ? Quels que soient les moyens mis en œuvre pour inciter ces entreprises à le faire, cet objectif n’est pas crédible. L’innovation s’est toujours faite à partir d’outsiders et l’innovation énergétique se fera à partir d’outsiders ou ne se fera pas. De fait, les percées technologiques de ces dernières années ont été quasi-exclusivement réalisées par des entreprises non-cotées, dans des laboratoires universitaires ou dans des start-ups, notamment californiennes. En outre, les percées réalisées par les entreprises établies, quand il y en a eu, se sont faites à partir d’entités séparées, organisées comme des start-ups. C’est là tout le secret alchimique de l’innovation. L’oublier c’est se vouer à l’échec.
Mais, comment savoir aujourd’hui quel sera le montant d’investissement nécessaire à ces start-ups pour découvrir les solutions énergétiques décarbonées du futur ? Voilà bien une question de bureaucrate ou d’incumbent comme le disent joliment les anglosaxons, mais pas une question d’innovateur. Nous ne sommes déjà pas d’accord sur ce que seront ces solutions, comment être d’accord sur les montants financiers nécessaires ? C’est pourquoi la transition climatique ne passe pas plus par les stratégies planifiées d’investissement des grandes entreprises et des entreprises en place, que par des financements traditionnels, sous forme de bénéfices réinvestis, d’émissions d’obligations cotées ou de crédits à l’investissement. Elle passe par le « private equity » qui est seul capable de financer puis de contrôler ensuite des prises de risque aussi importantes que celles que présuppose la transition climatique, et cela en dehors de toute planification préétablie, par définition trompeuse. En un mot, le « private equity » et ses acteurs sont le mieux placés pour financer la transition climatique et en contrôler la gestion performante, quand la finance traditionnelle et ses acteurs ont peu de chances d’y réussir.
Le Private Equity
Les différents acteurs concernés ne s’y sont pas trompés, contrairement aux Etats et aux lobbies. Selon une étude récente de White & Case, les entreprises du secteur énergétique sont 40% à prévoir de financer leur transition énergétique à l’aide du « private equity » tandis qu’elles sont 45% à confesser que le « private equity » serait leur option préférée. Elles considèrent en outre que, loin d’être un long fleuve tranquille, la transition climatique constitue un risque majeur en termes de compétitivité, qui appelle des modes d’action, d’organisation et de financement spécifiques, adaptées aux enjeux technologiques sous-jacents et à la prise de risque massive que ces enjeux présupposent. Il est clair que l’épargnant traditionnel et l’actionnaire traditionnel, qui sont averses au risque, en cohérence avec leurs contraintes financières, ne sauraient être les financeurs de la transition climatique et de l’innovation technologique qu’elle présuppose. Celles-ci relèvent bien plutôt d’un sous-ensemble plus étroit d’investisseurs, qui non seulement aime le risque mais qui sait aussi contrôler la prise de risque technologique par les entreprises, et qui correspond aux fonds de « private equity ».