Depuis la chute de la Silicon Valley Bank, les banques régionales américaines n’ont plus la cote. Pour Philippe Trainar, les marchés ont raison de se méfier de ces banques qui, en plus de posséder trois défauts majeurs, ne sont pas « too big to fail ».
Le stress bancaire que vivent les banques régionales américaines de taille petite et moyenne, depuis la faillite de la banque SVB, n’est pas sans conséquences sur la conjoncture et sur la politique monétaire. Il joue en effet dans un sens restrictif sur les conditions de crédit et de financement, comme l’ont montré les dernières enquêtes de la Banque Centrale Européenne et de la Federal Reserve auprès des banques.
En dépit des propos rassurants des autorités, la probabilité que le paysage s’améliore au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois, est faible. Nous n’avons probablement pas encore atteint le point de retournement du cycle des taux d’intérêt, dans la mesure où l’inflation n’est toujours pas maîtrisée et l’inflation sous-jacente caracole à des niveaux près de trois fois supérieurs à l’objectif de 2%. Les banques régionales américaines vont donc restées soumises à des pressions financières extrêmes dans les mois qui viennent. Nous n’avons donc probablement pas encore atteint le terme du stress bancaire.
Perte de confiance généralisée pour les petites et moyennes banques
Ce stress n’est pas sans présenter des similitudes avec la crise des Credit Default Swaps (CDS) en 2008-2009, lorsque les marchés ont abouti à la conviction que tous les CDS étaient dangereux et ont systématiquement forcé les agents à dénouer leurs positions. Aujourd’hui, il semblerait que les marchés soient convaincus que toutes les banques régionales de taille petite et moyenne aux États-Unis sont exposées à un risque élevé de panique bancaire. Et comme le faisait observer l’économiste Bagehot à la fin du 19ième siècle, dès qu’on a des doutes sur une banque, celle-ci est de facto, si ce n’est de jure, en faillite.
Le marché ne peut en effet que constater que le modèle des banques régionales de taille petite et moyenne est cliniquement mort car non-viable dans les conditions actuelles de la régulation du secteur et de la concurrence. Ce modèle présente trois défauts majeurs dirimants.
Trois défauts majeurs
Tout d’abord, ces banques sont perçues par le marché comme particulièrement risquées car ayant bénéficié, depuis l’ère Trump, d’une régulation allégée qui les a incitées à se surexposer au risque de remontée des taux d’intérêt. Lorsque ce risque s’est réalisé, la valeur de l’actif de ces banques s’est dépréciée dans des proportions beaucoup plus fortes que celle des autres banques.
Ensuite, ces banques, qui ont donc vu fondre leurs actifs, n’ont pas été en mesure d’offrir à leurs déposants des placements aussi bien rémunérés que ceux que pouvait proposer les banques concurrentes et, surtout, les fonds monétaires qui placent leurs avoirs auprès de la Federal Reserve à des taux fort attractif (5,15% actuellement).
Enfin, ces banques, en raison même de leur régulation soft, ne sont pas perçues par le marché comme bénéficiant de la garantie de l’Etat liée au « too big to fail » (trop grand pour faire faillite), à l’opposé des grandes banques.
Contagion psychologique
Ces trois défauts majeurs ne peuvent qu’inciter les agents économiques rationnels à retirer leurs dépôts pour les placer soit dans les fonds monétaires soit dans les grandes banques qui sont perçues comme plus sûres. La contagion au sein des banques régionales n’est pas mécanique, le marché interbancaire est relativement petit aujourd’hui, mais « psychologique » : par similitude avec SVB etc., toutes les banques régionales américaines de taille petite et moyenne sont perçues comme potentiellement en faillite. Ceci est une bonne illustration du fait qu’une régulation et une garantie publiques à deux vitesses ne sont pas viables. Quelques connaissances historiques auraient suffi pour s’en convaincre dès le début.