Alors que le Printemps est la saison des dividendes, le versement de ces derniers fait aujourd’hui l’objet de débats encore plus vifs qu’à l’accoutumée. Pour Valérie Mignon, en France, le débat est plus fort qu’ailleurs pour des raisons culturelles et d’habitudes des Français face à l’investissement et l’épargne.
Afin de bien saisir les enjeux, rappelons que le dividende correspond à la part du bénéfice net réalisé par une entreprise distribuée aux actionnaires. Son montant est voté en Assemblée Générale, sur la base des comptes constatés de l’année passée, c’est-à-dire 2019.
En mars, Bruno Le Maire a appelé les entreprises à suspendre ou réduire les versements de dividendes cette année. Cette décision vise à soutenir l’économie et permettre sa relance face au coup d’arrêt de l’activité provoqué par la pandémie du Covid-19. En renonçant aux dividendes, ce sont des milliards d’euros qui seraient ainsi libérés pour mobiliser du capital et relancer l’investissement dans l’économie réelle afin de faire face à la crise.
Le Gouvernement français a annoncé que les entreprises qui verseraient de telles rémunérations ne pourraient bénéficier d’un report de charges sociales ou fiscales, ni de prêt bancaire garanti par l’État. Celles qui ont recours au chômage partiel sont incitées à faire preuve de « bon sens » et à réduire fortement le montant des dividendes versés.
Ces mesures ne se limitent pas à la France et le secteur bancaire était tout particulièrement attendu pour donner l’exemple ; la Banque Centrale Européenne ayant en effet demandé aux banques de la zone euro de ne pas rémunérer leurs actionnaires, au moins jusqu’en octobre. Si plusieurs groupes de l’Union se sont immédiatement pliés à cette demande, les banques françaises ont mis un certain temps à rejoindre leurs homologues européennes. C’est désormais chose faite, la majorité des grandes banques et organismes financiers français ayant renoncé à rémunérer leurs actionnaires.
S’agissant des autres secteurs, si certains groupes comme Total ou Vivendi ont maintenu leurs dividendes, d’autres comme Carrefour, Michelin ou Veolia ont réduit le montant versé, alors qu’un nombre croissant d’entreprises, en particulier celles fortement impactées par la crise (Accor, Airbus, Dassault Aviation, Bouygues…), procèdent tout à tour à une annulation.
La question des dividendes a toujours fait débat en France, beaucoup plus que dans d’autres pays. L’une des raisons tient au fait qu’une (très) faible minorité de Français détient des actions, contrairement à la population de nombreux autres pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas, etc.) pour qui il s’agit de la principale source d’épargne constituée en vue, notamment, de la retraite. Ainsi, en France, du fait du faible pourcentage de la population concernée par les dividendes, cette question a pris une tournure idéologique.
Du côté des entreprises cotées, leur réticence à interrompre leurs dividendes tient au fait que ceux-ci leur permettent d’attirer des actionnaires dont les placements tirent à la hausse leur valeur boursière. En suspendant le versement des dividendes dans un contexte de marchés boursiers baissiers, les entreprises perdent ainsi un levier d’attirer de nouveaux actionnaires.
Malgré ces réticences, il n’en reste pas moins qu’un effort de solidarité apparaît aujourd’hui plus que nécessaire. En renonçant au versement des dividendes, les entreprises pourront ainsi contribuer à relancer l’économie, tout en faisant acte, face au climat d’incertitude très marquée, d’un comportement responsable auquel les futurs actionnaires pourraient aussi être sensibles.