Lors du dernier Ecofin réuni à Bruxelles jeudi 7 décembre, les ministres européens de l’Economie et des finances ont renouvelé leur demande de voir assouplir les règles de rigueur budgétaire. Anne-Sophie Alsif explique pourquoi, malgré le contexte économique difficile, la dette française reste soutenable
Le 1er décembre 2023, l’agence de notation S&P a décidé de conserver la note de la France à « AA ». Néanmoins, les perspectives sont négatives en raison du niveau élevé du déficit budgétaire et de l’endettement. Cette « non-dégradation » est justifiée par l’agence à travers le programme de consolidation du gouvernement jugé « robuste » ainsi qu’en raison de la mise en œuvre de différentes réformes structurelles telles que celles des retraites ou de l’assurance chômage. Cependant, cette perspective « négative » interroge sur la soutenabilité de la dette publique française à plus long terme au regard de l’importante dégradation des finances publiques, particulièrement depuis la crise de la covid-21.
La situation budgétaire de la France s’est en effet particulièrement dégradée depuis 2019. La dette publique est passée de 97,4% du PIB en 2019 à 112,1% du PIB en 2023. De même, le déficit public a augmenté de 2,1% du PIB en 2029 à 4,9% en 2023. Ce niveau d’endettement est plus élevé que de nombreux pays de la zone euro. En effet, la dette publique s’élève par exemple à 66,1% du PIB en Allemagne en 2023 et à 92,2% du PIB en 2023 en zone euro. Le niveau de dette française est donc supérieur à la moyenne des pays de la zone . La France est, de fait, loin de respecter le Pacte de stabilité et de croissance recommandant un niveau d’endettement à 60% du PIB et un déficit public n’excédant pas les 3% du PIB.
Approche individualisé à la réduction
La Commission européenne a d’ailleurs proposé de modifier ces règles budgétaires le 26 avril 2023. Les ratios des 3% et 60% du PIB, inscrits dans les traités sont conservés, mais le but affiché est de s’éloigner d’une approche unique à chaque Etat membre et de prendre en compte les atouts et les difficultés spécifiques des pays. Ainsi, à chaque État membre qui ne respecte pas l’un ou l’autre des critères de Maastricht, la Commission proposera une « trajectoire budgétaire de référence » sur quatre ans, pouvant être prolongée de trois ans en fonction des réformes structurelles développées.
Enfin, la France est également en déficit primaire (-2,1% en 2019 à -3,3% en 2023) à la différence d’autres pays tels que l’Italie traditionnellement en excèdent : 1,6% du PIB en 2019. Le pays devrait retrouver son excédent primaire dès 2025.
Protection face au chocs exogènes
Néanmoins, malgré ce bilan négatif, la dette publique française reste soutenable car le pays possède différents atouts. La France est située dans la zone euro qui la protège des chocs exogènes. En cas de tensions sur la charge de la dette, la Banque centrale européenne peut intervenir comme cela a été le cas en 2010 lors des crises des dettes souveraines. La France pourrait bénéficier également des nombreux mécanismes d’ajustement structurel tels que le Mécanisme européen de stabilité (MES) en cas de problème de soutenabilité. De plus, la majorité de la dette française est détenue par des Français et des Européens. Enfin, les collatéraux de la France sont importants, tels que le niveau élevé du taux d’épargne des ménages (18% du RDB en 2023) et de la forte capacité de l’Etat central à lever l’impôt.
Dans un univers instable, la France affiche une situation de stabilité économique et politique que peu de pays connaissent. Cette situation rassure les investisseurs. La France fait surtout, malgré ce fort niveau d’endettement, le choix de la croissance économique. La baisse massive des dépenses est souvent récessionniste. En 2023, le pays affiche un des taux de croissance les plus élevé et échappe à la récession à la différence de pays comme l’Allemagne. Ainsi, croître pour se désendetter, tel semble être le choix de politique économique de la France.