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Alchimie fiscale

Depuis l’après-guerre, l’impôt est devenu un outil central pour répondre aux crises. Vu des médias, Rémi Godeau, dresse un constat critique du traitement de la fiscalité par la classe politique : entre excès de prélèvements et dérives idéologiques, l’impôt a glissé de simple outil fiscal à instrument de régulation sociale. Une situation qui, selon lui, menace la souveraineté de l’État et fatigue un pays saturé de taxes.

Comme elle est vive, cette croyance française : tout finit par se régler par l’impôt. Les inégalités « croissantes » ? L’ascenseur social en panne ? L’école, l’hôpital, le tribunal, la police à vau-l’eau ? Les dérives du capitalisme et les ravages de la pauvreté ? Ceci et cela. A chaque problème, sa taxe, sa contribution, sa ponction. Voilà comment la pression fiscale a bondi de 30 % du PIB en 1960 à 45 % aujourd’hui, un record au sein de l’OCDE.

A vrai dire, les prélèvements obligatoires n’ont fait que courir après les dépenses publiques, passées sur la même période de 37 % à 57 % de la richesse nationale. Sans que jamais les contribuables paient le juste prix des services proposés par l’Etat, les collectivités locales et la Sécu – la dette, fruit de cette lâcheté, est devenue hors de contrôle ; sa charge exorbitante.

Longtemps, impôts et cotisations ont eu pour principal objectif de financer… les dépenses. C’est après mai-1968 que la fiscalité est devenue idéologique, jusqu’à asservir la production à la redistribution. Puis jusqu’à subordonner l’idéal égalitariste par l’injonction morale, la taxe dictant la bonne conduite et qu’importe si la liberté individuelle y laisse des plumes…

Avec le temps, cette conception dévoyée s’est faite hégémonique. A droite comme à gauche, la hausse d’impôts se grime en « justice fiscale », la réduction des dépenses en austérité. Quelle comédie ! Où sont les gestionnaires « austéritaires » quand l’Etat débourse 150 milliards d’euros de plus qu’il n’encaisse ? De quel ultralibéralisme parle-t-on quand la puissance publique prélève un euro produit sur deux ?

En 1974, le taux de prélèvements obligatoires atteint 35,5 % du PIB. Cette année-là, le Président Valéry Giscard d’Estaing estime qu’au-delà de 40 %, la France « connaîtrait un vrai changement de société ». Une dérive « incompatible avec une société d’initiative et de responsabilité », renchérit le VIIIe Plan. Au départ de VGE, en 1981 le taux s’établit à 40,1 %. Et donc 45 % en 2023.

C’est plutôt à une société bloquée que mène ce détournement hors norme. Parce que les Français sont à la fois au bord du ras-le-bol fiscal et accros à l’argent public. Depuis la jacquerie des Gilets jaunes, les gouvernements gèrent d’une main tremblante la fuite en avant, incapables de mater le couple infernal fiscalité-dépenses. Ce déni teinté d’irresponsabilité devient explosif. Notre souveraineté est en jeu.

Pierre Mendès France avait raison : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent. » A la facilité. A la démagogie. A l’appauvrissement. Faute d’avoir brisé cette spirale laxiste, l’exécutif se retrouve contraint, dans la brutalité, d’annuler des réductions d’impôts factices car non financées, sans marges pour réformer un système fiscal caduc.

Au risque de casser la politique de l’offre, seule option pour reconquérir une croissance de long terme. Au risque de céder au « sus aux riches », illusion visant à faire croire que les plus aisés portent l’essentiel du poids de l’Etat providence afin de mieux taxer les classes moyennes. Au risque de hisser à des niveaux jamais vu la captation de richesse – l’imposition délibérément confiscatoire défendue par la gauche radicale tiendrait de l’expropriation.

Il faut dénoncer l’alchimie fiscale française : elle ne transforme pas l’impôt en or, mais en plomb. Elle « asphyxie l’économie, limite la production et les énergies » (François Mitterrand, en septembre 1983 !). Et mène le pays aux frontières de l’arbitraire.

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