Souvent perçu comme une contrainte ou un fardeau, l’impôt est pourtant l’un des piliers de notre société. Pour mieux comprendre pourquoi et comment nous payons nos impôts, Amélie Verdier rappelle la logique d’égalité et de confiance nécessaire entre les citoyens et le « fisc », dans le but de casser quelques idées reçues sur l’administration fiscale et la peur qu’elle engendre.
Cet article est extrait du quatrième numéro de la revue Mermoz, « Aux impôts, citoyens ! ».
L’administration cherche-t-elle toujours à « aligner » les contribuables lors d’un contrôle fiscal ?
Rappelons que s’attaquer à la fraude fiscale, c’est assurer le principe d’égalité devant l’impôt, en luttant contre les comportements abusifs, qui portent atteinte à la fois au financement des services publics, à la concurrence entre les acteurs économiques et, au-delà, à la confiance que nous plaçons tous dans notre système fiscal fondé sur le principe déclaratif. Une grande partie des contrôles fiscaux sont désormais programmés, grâce à l’exploitation et au croisement de données, le data mining et l’intelligence artificielle,avec toujours, en bout de chaîne, l’expertise d’un vérificateur. Si les anomalies repérées s’expliquent, l’administration fiscale n’ira pas plus loin. Il n’y a pas d’acharnement ! Une part non négligeable des contrôles ne donne lieu à aucun redressement et aucun agent de la DGFiP n’a d’objectif chiffré en redressements ou pénalités. La DGFiP recherche une relation de confiance, accordée aux contribuables de bonne foi, qui trouve sa contrepartie dans la plus grande fermeté avec les fraudeurs.
Le principe de non-affectation des recettes aux dépenses, kezako ?
La non-affectation des dépenses aux recettes fait partie des grands principes budgétaires consacrés par la LOLF, reprenant les grands principes du droit budgétaire fixés au XIXe siècle. Cette règle se justifie par la stabilité des politiques publiques, afin d’éviter des variations de financement d’un service public à l’autre en fonction des fluctuations de recettes. Elle évite également les gaspillages, si les recettes sont plus élevées que nécessaire et permet globalement plus de souplesse dans la gestion des finances publiques. Elle permet enfin de mieux appréhender l’effet économique des impôts. Je vous invite à consulter le site « À quoi servent mes impôts » qui répond de manière pédagogique aux interrogations des contribuables sur le financement des dépenses publiques par les impôts.
La France, championne des prélèvements obligatoires ?
C’est vrai, la France est l’un des pays où les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire les recettes fiscales et les cotisations sociales, sont les plus importants. Ils ont représenté près de 48% du PIB en 2022 selon l’OCDE. Ces recettes, élevées, permettent de financer un modèle social qui donne une large place à la redistribution et aux politiques d’intervention. La France est par exemple le pays d’Europe qui consacre le plus de moyens au système de protection sociale, avec environ 40% de la dépense publique constituée de prestations sociales (retraite, maladie, allocations familiales…). En moyenne, cela représente 12 000 euros par habitant et par an. La spécificité française réside aussi dans la permanence des déficits, c’est-à-dire l’écart entre les recettes (prélèvements obligatoires pour l’essentiel, mais aussi les revenus du domaine, les dividendes, les produits locaux…) et les dépenses publiques, ininterrompu depuis 1974.
Que représente l’impôt sur le revenu pour l’Etat ?
L’impôt sur le revenu, créé en 1914, concentre toutes les attentions et reste, pour beaucoup de Français, l’impôt le plus emblématique de notre système fiscal. Il ne représente pourtant qu’une part minoritaire des ressources fiscales : environ 7% de l’ensemble des impôts et taxes payés par les Français. À noter également qu’un peu moins de la moitié des foyers fiscaux paient cet impôt. À titre de comparaison, c’est plus de deux fois moins que ce que rapporte la TVA et cinq fois moins que les cotisations sociales.
Face aux impôts, y a-t-il des « gagnants » et des « perdants » ?
La progressivité de l’impôt sur le revenu est un enjeu majeur de notre modèle fiscal. Ce sont les 10 % des foyers les plus aisés qui paient environ 75 % de l’impôt sur le revenu. Cependant, il faut noter que, quel que soit notre niveau de revenu et notre contribution à l’impôt, et notamment à l’impôt sur le revenu, nous bénéficions tous, quotidiennement, de nombreux services publics, tels que l’enseignement, la sécurité ou les transports, et souvent même sans que nous en ayons vraiment conscience. Il est donc impropre de parler de « gagnants » et de « perdants » : toutes les catégories sociales bénéficient des services publics financés par l’impôt. Enfin, la question de l’imposition des patrimoines est un objet important du débat public.
Est-il vrai qu’un Français sur deux ne paie pas d’impôts ?
En disant cela, vous parlez du seul impôt sur le revenu. Seuls 44,7 % des foyers fiscaux sont imposables, en effet, à l’impôt sur le revenu. Cependant, il faut rappeler que les foyers non imposables à l’impôt sur le revenu sont loin d’être exonérés d’impôt : ils paient la TVA et la CSG, dont les rendements sont, au demeurant, beaucoup plus importants.
Un effet sous-estimé de la fiscalité ?
Son caractère redistributif. Le système fiscal français contribue à réduire significativement les inégalités sociales et économiques au sein de notre société, grâce à la redistribution permise par l’impôt progressif. Il l’est non seulement entre les individus selon leurs revenus, mais tout au long de la vie : nous bénéficions « à 100% » des services publics comme enfant, et assez largement comme retraité, qui paient moins d’impôts que les actifs. Plus le revenu d’une personne est élevé, plus le taux d’imposition qui s’applique sera important. La progressivité de l’impôt permet de financer des services publics comme l’éducation, la santé ou le logement accessibles à tous les ménages, quel que soit leur niveau de revenus.