Les préoccupations autour de la situation budgétaire actuelle ont conduit les médias à se livrer à un véritable ballet d’analyses sur le paysage fiscal français. Chacun y va de sa proposition pour ajuster, raboter ou maintenir son impôt fétiche. Cette effervescence sous les lumières d’un déficit budgétaire attendu à plus de 6 % en 2024 est l’occasion de dresser un état des lieux des prélèvements obligatoires en France, point crucial pour éclairer les débats à venir. Les prélèvements obligatoires, qui regroupent les impôts et les cotisations sociales perçus par les administrations publiques et européennes sans contrepartie directe et immédiate, reflètent des choix de société fondamentaux, incarnant le modèle social auquel la France est attachée. Tour d’horizon.
Cet article est extrait du quatrième numéro de la revue Mermoz, « Aux impôts, citoyens ! ».
Un record français… à interpréter avec prudence
Le taux de prélèvements obligatoires en France a augmenté continûment pour passer de 30 % en 1960 à 48 % en 2022[1] au sens d’Eurostat, soit près de 1 300 milliards d’euros (cf. graphique 1). En 2022, la France était le pays avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe, nettement devant la Belgique (45,6 %) et l’Autriche (44 %) qui complètent le podium quand la moyenne de la zone euro s’établit à 41,9 %. Les autres grandes économies européennes, comme l’Italie ou l’Allemagne (resp. 43 et 42%), affichent des taux inférieurs, tandis que les pays non européens de l’OCDE, comme les États-Unis (28 %) ou le Canada (33 %), se situent bien en dessous (cf. graphique 2).
Toutefois, ces écarts doivent être interprétés avec prudence tant ils reflètent des différences structurelles entre les systèmes économiques et sociaux, qui font varier le périmètre des administrations publiques et la place laissée au marché. En France, par exemple, les retraites complémentaires obligatoires sont incluses dans les prélèvements obligatoires. Janus à deux visages, le taux de prélèvements obligatoires n’a de sens qu’en comparaison des dépenses publiques qu’il permet de financer.
Un impôt ? Des impôts !
Le système fiscal français se divise traditionnellement en impôts directs, impôts indirects et prélèvements sociaux selon l’incidence fiscale et la nature de l’impôts. Les recettes fiscales reposent schématiquement sur trois principaux piliers. En premier lieu, les impôts courants sur le revenu représentent le premier poste de rentrées fiscales avec près de 350 Md€ en 2023 – dont 147 Md€ de contribution sociale généralisée (CSG), 97 Md€ d’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et 67 Md€ d’impôt sur les sociétés (IS). Vient après la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), reine des impôts indirects et reposant sur la consommation des ménages, qui représentait près de 205 Md€ en 2023. Enfin, le troisième pilier correspond aux impôts sur la production qui atteignent 76 Md€ (dont 41 Md€ de taxe foncière).
Ces grandes masses se déforment dans le temps, reflet des choix qui forment notre modèle social (cf. graphique 3). Richard Musgrave ne s’y trompait pas en 1959 quand il assignait trois objectifs aux politiques économiques : allocation des ressources, redistribution de la richesse et absorption des chocs. La fiscalité joue dans ces trois cours simultanément. Nul doute qu’il s’agira d’une pièce centrale pour les années à venir.