Les institutions financières non bancaires (IFNB) détiennent 49% des actifs mondiaux. Leur importance fait peser des risques systémiques sur nos économies et appelle une meilleure régulation du secteur, explique Catherine Lubochinsky.
Les institutions financières non bancaires (IFNB) sont sorties de l’ombre depuis une dizaine d’années à la fois par l’ampleur des actifs financiers qu’elles détiennent (49% des actifs financiers mondiaux) et par leur rôle dans l’instabilité bancaire et financière.
Les récentes crises bancaires ont soulevé des questions quant à l’efficacité de la régulation et supervision bancaires tout en mettant en exergue le rôle de la confiance pour la stabilité financière. L’histoire a montré que les IFNB peuvent également déstabiliser le système bancaire et financier et rendre ainsi nécessaire l’intervention des banques centrales. Dès 1998, la quasi faillite du hedge fund LTCM avait révélé les conséquences potentiellement systémiques dues à l’effet de levier. Les Money Market Funds lors de la grande crise bancaire de 2007/2008 et à nouveau lors de la crise sanitaire en 2020, en retirant leur financement de court terme aux banques, ont aggravé la crise de liquidité de ces dernières. Le Family Office Archegos a contribué à fragiliser Credit Suisse qui a dû procéder à une recapitalisation en urgence. Plus récemment les fonds de pension britanniques ont été mis en difficulté à cause de leurs stratégies Liability Driven Investment (LDI) mises en place, durant la période de taux d’intérêt quasi nuls, afin d’augmenter la rentabilité de leurs placements grâce à l’effet de levier. La Banque d’Angleterre a dû intervenir pour stabiliser le marché des Gilts.
Le risque systémique posé par les IFNB
Doit-on donc s’inquiéter de la contribution potentielle des IFNB à la dimension systémique des crises bancaires et financières ? Les banques centrales doivent elles remplir leur rôle de fournisseur de liquidité en dernier ressort vis à vis de ces acteurs ? Quelle régulation pour s’adapter à cette évolution ?
Les réponses sont d’autant plus complexes que ces IFNB regroupent un ensemble d’établissements très hétérogènes (compagnies d’assurances, sociétés de gestion d’actifs, fonds de pension, fonds de capital investissement, hedge funds, family offices…)
Selon les acteurs concernés, on retrouve les risques financiers traditionnels liés à leurs activités de transformation en termes de maturité, de liquidité et de crédit. Chaque établissement est plus ou moins régulé, mais par des régulateurs différents, afin de réduire leur risque d’insolvabilité avec comme objectif ultime la protection des investisseurs finaux. Cependant, la vision microprudentielle ne suffit pas. Comme pour les banques, il est indispensable d’adopter une vision macroprudentielle de la régulation. En effet, non seulement le gigantisme de certains acteurs et leur degré de concentration leur confèrent un statut de « too big to fail » mais, de plus, la dimension « too interconnected » entre eux et avec le système bancaire, à la fois au niveau domestique et au niveau international, leur confèrent un rôle potentiellement important en cas d’instabilité financière (effets de contagion et de rétroaction) contribuant ainsi à la dimension systémique des crises.
L’accès à la liquidité des banques centrales
Peut-on, et à quelles conditions, donner l’accès des acteurs non bancaires à la liquidité des banques centrales ? Une réponse partielle d’évidence est liée à la dimension systémique. La réglementation en est une autre. Il est indispensable de réduire la fragmentation de la régulation. Etant donné que les deux risques majeurs sont le risque de liquidité et le risque d’amplification lié à l’effet de levier, une régulation macroprudentielle ne peut être qu’une régulation coordonnée et homogène (domestique et internationale, banques non banques) en termes de risques et non spécifiquement par catégorie d’acteurs.
Cette question sera soulevée lors des prochaines Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence les 7, 8 et 9 juillet prochains.