La croissance des Etats-Unis, qui est restée plus soutenue que prévu au dernier trimestre 2018, a presque atteint l’année dernière l’objectif de 3% visé par le président Donald Trump. Dès lors, qu’attendre de l’évolution des taux d’intérêt américains ? André Cartapanis explique les raisons qui plaident en faveur d’un arrêt de la hausse.
La semaine dernière, plusieurs déclarations de Jérôme Powell, le président de la Fed, et de son vice-président, Richard Clarida, ont révélé un changement de cap des autorités monétaires américaines après quatre ans de hausse des taux directeurs. Bien sûr, la politique des taux reste « patiente » et « prudente », et elle pourrait donc reprendre son cours si l’inflation venait à s’accélérer. Mais c’est très improbable. Tout porte à penser que la normalisation de la politique monétaire et la remontée des taux directeurs américains sont derrière nous. Les taux américains devraient donc se maintenir en 2019 autour de 2,25% à 2,50%. Est-ce là une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle ?
C’est une bonne nouvelle car cela signifie que les taux américains sont proches de leur niveau naturel, compatible avec l’équilibre macroéconomique sans boom ni chômage, et que la politique monétaire peut désormais devenir neutre. Le taux d’inflation est proche de la cible de 2% tandis que le taux de chômage a atteint l’un de ses plus bas niveaux depuis 50 ans, autour de 4%, grâce à une croissance du PIB de 2,9% en 2018. Nul besoin, par conséquent, ni de soutenir la croissance, ni de juguler d’éventuelles pressions inflationnistes.
Mais c’est aussi une mauvaise nouvelle. C’est là le signal d’un risque de dégradation de la situation macroéconomique américaine en 2019, et le moyen de se prémunir contre les effets d’une telle décélération de la croissance, notamment en matière de stabilité financière. La croissance ralentit quasiment partout, particulièrement en Europe et en Chine, et les incertitudes issues de la guerre commerciale provoquée par Donald Trump ont déjà provoqué un très fort ralentissement du commerce mondial.
Les Etats-Unis n’échapperont pas à cet affaiblissement. La croissance potentielle de l’économie américaine est de l’ordre de 2% seulement. Les gains de productivité restent nettement plus bas que dans les précédentes décennies. Le taux de participation de la force de travail américaine (cumulant les détenteurs d’un emploi et ceux cherchant du travail) est l’un des plus faibles de tous les pays industriels, surtout chez les hommes. Et la dette du gouvernement fédéral américain, de l’avis de tous, se trouve sur un trend insoutenable, malgré la faiblesse des taux d’intérêt à moyen ou long terme.
Malgré ces vents contraires, la Fed prévoit une croissance du PIB américain de 2,3% pour 2019, mais ce chiffre est d’ores et déjà jugé beaucoup trop optimiste. Dans le même temps, les marchés financiers présentent de nombreux signes de fragilité. Les rendements des placements à court terme en bons du Trésor baissent depuis novembre. La courbe des taux d’intérêt est devenue plate, les taux à moyen terme étant proches des taux directeurs de la Fed, ce qui est souvent le signe d’une probabilité élevée de récession.
L’endettement obligataire à risque des entreprises américaines (notation triple B) a littéralement explosé (2.250 milliards de dollars d’encours) et se trouve à la merci d’une nouvelle dégradation de la part des agences de notation, si la conjoncture se détériore, ce qui pourrait provoquer une fuite vers la sécurité parmi les investisseurs.
La situation financière de nombreux agents économiques, jugée saine et soutenable en régime de croissance, peut rapidement se transformer en surendettement et devenir insoutenable en présence d’un déficit de croissance. D’où la fin de la remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis.