Le Brexit, déjà en vigueur, va devenir pleinement effectif le 1er janvier prochain après une année de transition. Restent incertaines les futures relations entre le Royaume-Uni et l’UE : deal ou no deal.
Le passeport européen est au cœur du marché unique. En matière bancaire et financière, il signifie que tout établissement, agréé dans un pays de l’UE ou plus largement de l’Espace Economique Européen, peut commercialiser des produits ou services financiers dans n’importe quel autre pays de l’UE et de l’EEE sans avoir besoin d’ un nouvel agrément du pays d’accueil.
Deal ou no deal, les Britanniques perdent avec le Brexit le passeport européen en matière bancaire et financière. C’est par anticipation de cette implication majeure que de nombreux établissements financiers ont réduit la voilure dans la City pour se redéployer vers Dublin et les principales places continentales (Francfort, Paris, Luxembourg…).
Une étude d’E&Y de mars 2019 relevait l’importance des délocalisations suscitées par l’anticipation du Brexit, mais aussi la persistance d’avantages comparatifs pour Londres.
A défaut de passeport rendu caduc par le Brexit, la problématique de l’équivalence reprend ses droits, et elle n’aura pas la même implication selon que prévaut le deal ou le no deal, avec dans ce dernier cas un Royaume-Uni qui redeviendrait pour l’UE un pays tiers avec des relations soumises aux règles de l’OMC.
La crainte des pays de l’UE est de voir se multiplier des « boîtes aux lettres » qui s’installeraient dans un pays du marché unique pour accéder aux avantages du passeport européen tout en déléguant en pratique les services de gestion (y compris la gestion des risques) à des entités restées au Royaume-Uni. C’est pourquoi l’ESMA a affiché dès 2017 des principes afin de contenir l’externalisation de la gestion vers Londres. L’AMF a aussi précisé les conditions d’une délégation acceptable.
Par ailleurs, la City a un avantage compétitif marqué pour le trading mais aussi la compensation des instruments dérivés, en particulier des dérivés de taux d’intérêt. Avant même le Brexit, 90% des dérivés de taux en euros étaient compensés par les CCP (« central counterparties ») londoniennes. C’est pour être proactive que l’Europe a complété, du fait du Brexit, le règlement EMIR par EMIR 2.2., qui s’applique aussi à la supervision des CCP non communautaires et qui renforce considérablement les compétences de l’ESMA à leur égard. Tout récemment, le ton s’est durci : l’ESMA exige désormais que les banques européennes effectuent leurs transactions sur dérivés sur des plateformes dans l’UE ou dans des pays tiers bénéficiant de l’équivalence. Affaire à suivre…
Reste la question de l’union des marchés de capitaux, beau projet aujourd’hui encore dans les starting-blocks. L’UMC a été lancée avant le vote du Brexit. Son objectif principal-améliorer l’intégration et la compétitivité des marchés financiers européens pour mieux financer l’économie réelle-était déjà ambitieux avant le Brexit. Il devient problématique après, car désormais l’UMC va devoir se faire sans Londres, et même contre Londres. Il reste aux 27 de l’UE à s’entendre et à passer des meilleures intentions à des décisions concrètes afin de réaliser un « rattrapage » de Londres par les places financières de l’UE, en particulier Paris et Francfort. Deux places aujourd’hui concurrentes, qui auraient intérêt à s’entendre.