En réponse à l’« exaspération fiscale » des Français, le gouvernement va probablement baisser l’impôt sur le revenu. Pour Valérie Mignon, membre du Cercle des économistes, il devra aussi s’atteler à rendre transparente la façon dont cet impôt est utilisé.
Alors que le 22e samedi de mobilisation des « gilets jaunes » vient de s’achever, rappelons que ce mouvement est né du sentiment d’injustice lié à la hausse de la taxe carbone. Il n’est en conséquence pas surprenant que les questions relatives à la fiscalité aient occupé le devant de la scène dans le grand débat. Lors de son discours de restitution, Edouard Philippe a ainsi mis en avant et souligné la nécessité de « baisser, et baisser plus vite, les impôts », une voie finalement choisie par le gouvernement dans les annonces d’hier.
Mais est-ce réellement cette « tolérance fiscale zéro » qui est attendue par les Français sachant qu’environ la moitié de nos concitoyens ne paie pas l’impôt sur le revenu ? De quels impôts est-il question ? L’allégement des impôts allant fréquemment de pair avec la contraction des dépenses publiques, cette baisse est-elle souhaitable et souhaitée par les Français dans tous les domaines (dépenses de l’Etat, Sécurité sociale, etc.) ? Le résumé donné par le Premier ministre en matière fiscale peut ainsi paraître quelque peu hâtif, laissant de côté la question clef de la justice fiscale, fer de lance des « gilets jaunes ».
Plusieurs pistes sur la table
Même à admettre qu’une majorité puisse se prononcer en faveur d’une réduction des impôts et des dépenses publiques, notamment celles de l’Etat, il restait à s’accorder sur les mesures concrètes à prendre. Celle consistant à universaliser l’impôt sur le revenu n’a pas été retenue puisque sa mise en application revenait à taxer le revenu de plus de 50 % des foyers fiscaux qui en sont aujourd’hui exemptés ; Une telle politique n’aurait pas été de nature à apaiser les revendications des « gilets jaunes ».
De même, la taxation des plus hauts revenus via le rétablissement de l’impôt sur la fortune a été une idée écartée dès le départ par le gouvernement. Restait la question de la TVA, qui aurait pu être augmentée sur les produits de luxe et diminuée pour les biens de première nécessité. Si une telle mesure s’inscrivait dans une logique de justice sociale, elle complexifiait la lisibilité du système fiscal et était susceptible d’amputer de façon non négligeable les recettes publiques.
D’où la mesure qui a été retenue par le président, celle d’un allègement de l’impôt sur le revenu par une diminution touchant uniquement les premières tranches avec compensation du manque à gagner par la suppression de certaines niches fiscales.
Comprendre où va l’argent
D’autres options auraient pu être envisagées, comme le renforcement du système de décote, l’alourdissement des droits de succession ou la révision du traitement fiscal des contrats d’assurance-vie. Preuve que la question de la réduction de l’impôt reste un casse-tête tant les techniques possibles pour la mettre en application sont nombreuses et susceptibles d’avoir des effets très différenciés en termes de popularité.
Au total, l’exaspération fiscale mise en avant par le gouvernement apparaît réductrice au sens où elle tend à occulter la question cruciale de la justice fiscale. La réponse au sentiment d’injustice fiscale, mis au grand jour par les « gilets jaunes », doit aussi passer par une meilleure lisibilité de notre système fiscal afin de rendre transparente la façon dont l’impôt est utilisé et, en conséquence, permettre aux citoyens de mieux comprendre la logique des prélèvements à l’oeuvre.