Les Bourses se sont littéralement effondrées au cours des derniers jours . Entre le 13 février et le 13 mars, le CAC40 et le DAX ont perdu 32 %, et le S&P500, 20 %, une baisse impressionnante. A titre de comparaison, les mêmes indices ont chuté de respectivement 22 % et 27 % dans le mois qui a suivi la faillite de Lehman Brothers.
Les enchaînements sont classiques. La pandémie de coronavirus a provoqué un vent de panique chez les investisseurs qui s’étaient plu à considérer que le Covid-19 resterait cantonné à la Chine. La réaction des marchés a été à la mesure de leur surprise. La crainte d’une crise systémique globale a incité les investisseurs à céder leurs actifs les plus risqués, les actions, au profit des actifs les moins risqués, les titres souverains. Cette réallocation de portefeuille a entraîné l’effondrement de la valeur des actions, la hausse de celle des obligations d’Etat, l’envolée de la prime de risque sur les actions, et la baisse des taux d’intérêt « sans risque », amplifiée par la réaction des banques centrales comme la Federal Reserve .
Le choc de la demande domine
La peste noire qui a ravagé la France au XIVe siècle illustre le coût potentiellement très élevé des pandémies : le prix de l’immobilier a chuté de 30 à 40 % à la suite de cette épidémie… mais 30 à 40 % de la population avait disparu entre-temps. Rien de tel ne nous menace aujourd’hui. L’épidémie de coronavirus aura jusqu’ici coûté la vie à moins de 4.000 personnes en Chine, soit une proportion négligeable de sa population. Or, comme le montre une étude menée par le réassureur SCOR en 2015, les pandémies que nous avons connues au cours des XXe et XXIe siècles, y compris la grippe espagnole, ne semblent pas avoir affecté significativement les performances économiques et financières des pays concernés, hormis dans le cas de petites économies fermées. Tant que le choc d’offre reste circonscrit, en termes notamment de décès au sein de la force de travail, ce qui devrait être le cas en l’absence de mutation du coronavirus, le choc de demande domine.
Risques de faillite
La panique des marchés boursiers pourrait s’expliquer par le fait que ce choc de demande serait plus important et plus difficile à absorber en raison de contraintes de confinement beaucoup plus sévères pour le coronavirus que pour les épidémies passées comme le H2N2 (1957), H3N2 (1968), SRAS (2003), ou H5N1 (2006). Ajoutons que ces contraintes « mordent » aujourd’hui beaucoup plus sur l’activité de nos économies qui sont à la fois plus internationalisées et plus interdépendantes, dans le cadre de chaînes de valeur mondiales, et qui reposent sur une intense circulation des personnes. En outre, leurs effets sont beaucoup moins bien répartis sur l’ensemble des secteurs et se concentrent sur quelques activités comme le tourisme, le transport et la restauration, avec des risques de faillite accrus.
Pour autant, les services, majoritaires dans la création de valeur, sont davantage en mesure de s’adapter à ces contraintes, grâce au télétravail et à la téléconférence. Cela devrait réduire les conséquences négatives des contraintes de confinement et, avec la baisse des taux d’intérêt et l’assouplissement des politiques budgétaires , faciliter la gestion de la demande. On peut donc partir de l’hypothèse que le choc de la demande sera assez largement compensé, comme lors des crises précédentes, mais que l’effondrement des marchés boursiers pointe le risque de plus long terme que le coronavirus et les mesures de confinement ne précipitent le mouvement de refragmentation du monde.