Après une longue période d’analyse et de réflexion, la compagnie pétrolière saoudienne Saudi Aramco a été finalement introduite sur la bourse de Riyad en décembre 2019.
C’est la plus grosse opération boursière pour la plus chère entreprise du monde qui contrôle la production et les réserves pétrolières de l’Arabie saoudite. La volatilité du cours de l’action est sensible aux fluctuations de la géopolitique mondiale mais on ne peux pas dire que la détermination du cours du pétrole brut soit modifiée par cette opération.
L’Arabie saoudite est l’un des trois principaux producteurs mondiaux de pétrole brut, avec les Etats-Unis et la Russie, chacun ayant une production comprise entre 10 et 12 millions de barils/jour. La production saoudienne, sous contrôle du gouvernement, est la seule dont le niveau, pour des raisons techniques, puisse être modifié de façon substantielle, à la hausse ou à la baisse. Cette variation a été liée pendant longtemps à la politique de l’OPEP où le pays jouait le rôle de swing supplier. L’unité de l’OPEP est aujourd’hui mise à mal, pour des raisons qui sont à la fois politiques, économiques et géopolitiques. La flexibilité technique de l’Arabie saoudite demeure mais la régulation de l’offre mondiale dépend essentiellement d’un accord entre l’Arabie saoudite et la Russie. Les Etats-Unis jouent un rôle fondamental dans l’équilibre global des flux mondiaux de pétrole brut et de produits raffinés. Toutefois, leur offre globale ne dépend pas d’une décision politique mais de la concurrence qui existe sur les différents marchés.
L’entrée en bourse de Saudi Aramco ne remet nullement en cause la souveraineté politique sur le niveau de production et des exportations du pays. En effet, moins de deux pour cent du capital de la société a été mis sur le marché. Cette fraction infime du capital est entre les mains de fonds de pension et de familles saoudiennes qui ont été fermement invités à souscrire.
On trouve aussi l’État saoudien qui a décidé d’intervenir en fin d’opération. Saudi Aramco reste donc bien sous le contrôle absolu et vigilant du pouvoir saoudien. Les nouveaux actionnaires peuvent intervenir aux assemblées générales mais leur pouvoir reste strictement limité.
On voit bien que cette opération financière, qui rapporte quelques milliards de dollars au Trésor saoudien, ne modifie en rien les éléments économiques et géopolitiques qui participent à la détermination du prix du pétrole. En revanche, la valeur de Saoudi Aramco et le cours de ses actions dépendent étroitement du prix du pétrole. On considère que le coût d’extraction du brut saoudien, le moins cher du monde, se situe aux alentours de 3 dollars par baril. La rente pétrolière ainsi « extraite » par Saudi Aramco et l’Arabie saoudite est donc égale, pour un baril de pétrole, au prix international du pétrole diminué de 3 dollars. ’ En janvier 2020, alors que le cours du brut est aux alentours de 60 $, la rente pétrolière est de 57 $ par baril soit plus de 200 milliards de dollars par an
La détermination du prix du pétrole n’est donc pas modifiée par cette opération. Elle dépend principalement de facteurs géopolitiques. Une exacerbation des tensions régionales pourrait entraîner un nouveau choc pétrolier. Toutefois, les Etats-Unis sont en mesure de limiter des tensions trop fortes car, avant les élections présidentielles, ils n’ont pas intérêt à ce que le prix du pétrole soit très élevé. Le niveau de 60 dollars leur convient parfaitement.