Les marchés financiers accusent le coup après l’entrée en vigueur des premiers droits de douanes annoncés par l’administration Trump. Quelle suite les investisseurs vont donner à cette correction ? Patrice Geoffron dresse les perspectives de court et moyen termes
Épreuve de force ou preuve de faiblesse ? L’invraisemblable avalanche de nouveaux droits de douane introduits par l’administration Trump a ravivé un débat récurrent sur l’influence américaine dans le monde. Donald Trump, président de la première puissance économique et militaire du monde, justifie ces mesures par une rhétorique du déclin : « Notre pays a été pillé, saccagé, violé et dévasté« . Trump II prétend ainsi « libérer » son pays d’un système international pourtant initié par les Etats-Unis à l’après-guerre, et largement soutenu depuis lors. Résultat instantané : le 3 avril 2025 figure dans le « top 30 » des pires journées du S&P 500 depuis les origines avec des pertes voisines de celles enregistrées en mars 2020 et le risque de récession est évalué à 60% par JP Morgan (alors que Biden a laissé une économie en croissance de 2,8% en 2024).
Pour déterminer la stratégie de réponse du reste du monde, et singulièrement de l’Union Européenne, il importe de considérer le poison que constitue cette rupture pour l’économie américaine elle-même et en anticiper les effets. Le retour de la stagflation qui s’annonce (croissance médiocre + inflation) est une configuration qu’on pensait éradiquée depuis le XXème siècle dans les économies les plus avancées (aussi étrange que l’actuel retour d’une épidémie de rougeole outre-Atlantique). Le Yale Budget Lab estime que le nouveau package de tarifs douaniers pourrait entraîner une augmentation de 2,3% des prix à la consommation aux États-Unis à court terme, représentant un surcoût annuel moyen de 3 800 dollars par ménage.
Le président de la Réserve Fédérale, Jerome Powell, n’exclut pas que ces tarifs puissent produire des effets persistants au-delà de 2025. Les entreprises américaines qui dépendent de composants ou de produits finis étrangers devront soit absorber les surcoûts, soit les répercuter sur les consommateurs, soit réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement, ce qui nécessitera du temps et des investissements considérables. Ainsi, ironiquement, l’industrie pétro-gazière s’émeut de l’effet des taxes de 25 % sur les importations d’acier qui, mécaniquement, feront grimper les coûts des équipements de forage et de transport. Comme le choc macroéconomique tire l’or noir à la baisse (-15 $ depuis l’intronisation de D. Trump), le « drill, baby, drill ! » se présente mal, avec des coûts en hausse et un prix final en baisse.
Certes, Trump et son équipe présentent le choc comme un mauvais moment dont le plus dur serait passé. Il faut y voir une forme d’optimisme de la volonté car, comme le brouillard mettra du temps à se dissiper (s’il ne tourne pas au chaos, comme en 2008), la bascule opérée ne peut qu’inciter les entreprises et les ménages à l’attentisme. D’autant que, pour ces derniers, le déclin du marché boursier a un impact direct sur la valeur des fonds de pension et des comptes de retraite tels que les 401(k) et les IRA, fortement investis en actions.
Après le « sang et les larmes », l’administration Trump avance la possibilité de bénéfices à long terme, comme le rapatriement d’industries manufacturières, qui rendrait à l’Amérique une grandeur supposément perdue. Mais, dès lors que les règles n’ont désormais plus guère de valeur (qu’il s’agisse du droit international, de la protection des investissements, du droit de la concurrence, etc.), les investisseurs pourraient fuir devant le risque-pays aigu que présentent désormais les Etats-Unis.