Lors de sa dernière réunion au sommet à Francfort, la Banque centrale européenne n’a pas touché à ses taux d’intérêt. Poursuite de la lutte contre l’inflation, réactivité ou non face à une conjoncture internationale et géopolitique compliquée, critiques internes… Pour Jean-Paul Betbeze, la crédibilité d’une banque centrale se construit et se juge sur la durée
C’est LA question. La Banque centrale européenne, comme prévu, n’a pas baissé ses taux le jeudi 25 janvier. Elle a laissé son taux d’intérêt des opérations principales de refinancement à 4,50 %. Il fait face à une inflation à 2,9%, pour satisfaire son mandat constamment répété de « 2% à moyen terme ». Rien n’a changé, non plus, sur les autres volets de sa politique concernant les lents amortissements de ses portefeuilles titres (APP et PEEP). Elle continue donc, attendant que sa politique restrictive fasse apparaître les effets positifs qu’elle pressent. Selon elle, la progression des salaires se modèrerait, en rognant plus sur les marges qu’en faisant monter les prix de vente. Est-elle donc crédible dans sa stratégie de lutte contre l’inflation, d’autant qu’elle annonce éviter aussi une récession ?
« La critique contre le conservatisme de la BCE n’est pas finie »
Car, comme toujours avant la décision, la nervosité des marchés montait sur ce maintien des taux, au moment où les signes d’affaiblissement inquiétaient, avec -0,1% de croissance au troisième trimestre. L’interrogation portait de plus en plus sur la « prudence » de la BCE face à ce risque de récession, sinon sur son obstination. Interrogée sur ce risque dans sa conférence de presse présentant les décisions du Conseil de politique monétaire, Christine Lagarde cite Janet Yellen : « deux trimestres consécutifs pour décréter une récession, c’est oublier d’autres statistiques, notamment l’emploi ». Et, de fait, en zone euro, le taux de chômage passe de 6,5% depuis juillet à 6,4% en novembre. L’argument suffira-t-il ? Car on ne peut oublier que, pendant ce temps, l’économie américaine marquait +0,8% de croissance. La critique contre le conservatisme de la BCE n’est donc pas finie et dépendra des prochaines enquêtes, dans quelques semaines.
Car, comme toujours avant la décision, la nervosité des marchés montait sur ce maintien des taux, au moment où les signes d’affaiblissement inquiétaient, avec -0,1% de croissance au troisième trimestre. L’interrogation portait de plus en plus sur la « prudence » de la BCE face à ce risque de récession, sinon sur son obstination. Interrogée sur ce risque dans sa conférence de presse présentant les décisions du Conseil de politique monétaire, Christine Lagarde cite Janet Yellen : « deux trimestres consécutifs pour décréter une récession, c’est oublier d’autres statistiques, notamment l’emploi ». Et, de fait, en zone euro, le taux de chômage passe de 6,5% depuis juillet à 6,4% en novembre. L’argument suffira-t-il ? Car on ne peut oublier que, pendant ce temps, l’économie américaine marquait +0,8% de croissance. La critique contre le conservatisme de la BCE n’est donc pas finie et dépendra des prochaines enquêtes, dans quelques semaines.
Mais on attendait aussi la Présidente Lagarde ailleurs, sur ses réponses aux résultats d’une « enquête » : celle du syndicat interne Ipso, résultats très négatifs. Troisième exercice de son genre, après ceux sur Jean-Claude Trichet en 2011 et sur Mario Draghi en 2019, il lui donne 53% d’opinions négatives (contre 23% positives) pour 1 100 personnes interrogées. Nous sommes loin des 64% de jugements positifs pour Jean-Claude Trichet et des 76% pour Mario Draghi en leurs fins de mandat, Christine Lagarde étant au milieu du sien !
Un manque d’enthousiasme interne ?
Avec aplomb, elle répond que dans les enquêtes internes de la BCE 80% au moins des salariés disent être non seulement satisfaits, mais plus encore fiers, de travailler à, et pour, la BCE. Et que ce n’est pas une question de personne.
Peut-être en effet la crédibilité de la BCE va-t-elle au-delà des chiffres d’inflation, dans sa capacité à naviguer dans les eaux troubles de ce temps ? Jean-Claude Trichet continuait la route tracée par la BUBA, dans une zone euro plus homogène. Mario Draghi évitait le pire d’une crise interne, au prix d’une… avec la BUBA ! Christine Lagarde pilote un ensemble plus complexe et plus lent, au milieu d’une crise écologique, d’une révolution technologique mondiale, de tensions croissantes avec la Chine, plus une guerre en Ukraine, plus celle entre Israël et Gaza, le tout après une pandémie. Est-ce si facile ?
Maintenir la crédibilité de la BCE
La crédibilité d’une banque centrale se fait avec le temps, avec la qualité de son économie, ses appuis politiques pour assurer son indépendance et les degrés de liberté que lui donnent ses objectifs et ses outils. La BCE est neuve, son économie lente et les politiques silencieux, pour l’heure. Mais son héritage allemand : un seul objectif de prix, contre prix et emploi pour sa concurrente la banque centrale américaine, est devenu plus pesant. A chaque réunion, Madame Lagarde, comme son prédécesseur, demande d’accélérer vers une Union bancaire et vers une Union de marchés de capitaux, autrement dit vers plus de fédéralisme. C’est LE problème de la BCE : une position intermédiaire pour les raisons liées au compromis politique de sa naissance qui trouve ses limites quand, comme par hasard, montent les nationalismes.
La crédibilité de la BCE ? Plus que jamais l’affaire de tous.