Avec le reculs des taux long et l’annonce et la fin du relèvement des taux directeurs, l’optimisme commence à revenir sur les marchés explique Christian de Boissieu, qui y voit un mouvement favorable à l’économie réelle, c’est-à-dire à l’investissement, à la croissance et à l’emploi.
Il a suffi que les banques centrales confirment la fin du relèvement de leurs taux directeurs pour que l’optimisme gagne les rangs, alors que par ailleurs le contexte géopolitique et économique demeure fragile. Certes l’inflation reflue progressivement, mais elle reste à la merci d’un nouveau choc énergétique ou alimentaire difficile à prévoir. L’Europe prise globalement va sans doute échapper à une récession, mais l’Allemagne est en plein dedans. Le chômage remonte en France, probablement pour quelques trimestres.
La BCE vient d’afficher une prévision de croissance pour la zone euro de seulement 0,6% pour 2023 et 0,8% en 2024. Certainement pas de quoi pavoiser : l’effet de rattrapage post-Covid est épuisé. Nous revenons aux fondamentaux, c’est-à-dire à la croissance potentielle notoirement insuffisante en Europe. Le plein emploi et la croissance de 2023 aux Etats-Unis (2,6%) nous font à nouveau prendre conscience des faiblesses structurelles du continent européen.
Deux approches
La différence de sensibilité des banques centrales des deux côtés de l’Atlantique joue aussi un rôle. Il faut noter des écarts dans la communication qui traduisent des approches différentes.
La BCE parle d’un « plateau » pour ses taux directeurs, sans en préciser la durée. Chacun y va de son pronostic : première baisse en mars ou à l’été 2024 ? La prudence de la BCE est justifiée par son mandat : la stabilité des prix est son objectif « principal ». Vu l’incertitude de la géopolitique et de ses conséquences sur l’inflation, la banque centrale européenne laisse tomber le guidage prospectif des marchés si fréquent depuis quinze ans, pour se réserver une totale liberté d’appréciation de la conjoncture.
La Fed, d’après ses statuts, a un mandat plus large. Elle doit bien sûr se préoccuper de stabilité des prix, mais aussi de croissance, d’emploi et du niveau des taux longs. Elle continue à pratiquer, elle, le guidage prospectif des marchés puisqu’elle vient d’annoncer « trois ou quatre » baisses de ses taux directeurs pour 2024. Le paradoxe est donc que la Fed s’engage de manière plus ferme et plus précise que la BCE dans l’amorce de la décrue des taux courts , alors que l’économie américaine est au plein emploi et qu’en conséquence les tensions inflationnistes y sont plus prégnantes. Différence dans les mandats, différence dans la réactivité. La BCE avait trop tardé à remonter ses taux face à l’essor de l’inflation. Il ne faudrait pas que, par excès de prudence, elle tarde trop à les abaisser face à la désinflation qui s’amorce…
Dans la mesure où le retour vers 2% d’inflation par an, objectif des banques centrales des pays avancés, va prendre du temps, certains ont évoqué une cible à 3%. Il n’y a pas en l’espèce de chiffre magique. Il serait cependant inopportun d’aller dans cette direction alors que la lutte contre l’inflation est bien engagée.
Les banques centrales contrôlent, via leurs taux directeurs, les taux à très court terme. Depuis qu’elles ont pour l’essentiel mis fin à leurs achats massifs d’obligations, elles n’ont sur les taux d’intérêt à long terme qu’une influence indirecte. Ces taux longs ont récemment beaucoup reculé avec l’anticipation de la décrue des taux courts. Les emprunteurs publics et privés vont en profiter un peu. Il y a là un mouvement favorable à l’économie réelle, c’est-à-dire à l’investissement, à la croissance et à l’emploi.