Le secteur de l’automobile subit deux transformations majeures. La mutation en cours est au coeur d’une géostratégie mondiale à laquelle l’Europe doit prendre part.
Contrairement à ce que l’on entend souvent dans le débat politique en France, l’automobile est un secteur d’avenir. Alors qu’elle est chassée de Paris sans réflexion globale sur sa place dans les transports propres du futur, elle se développe dans le monde. Les ventes mondiales devraient passer de 70 millions en 2004 à 97 millions en 2020.
Il faut arrêter de penser pollution en prononçant automobile : les véhicules propres sont déjà en production. Mais il ne faut pas faire d’erreur stratégique : les voitures produites en France consommant trois litres aux 100 kilomètres, et dont les émissions sont quasiment intégralement filtrées, polluent moins sur le cycle de production que des véhicules électriques équipés de batteries venant de Chine, produites dans des usines fonctionnant à l’électricité au charbon, comme celle consommée par les véhicules.
Voiture autonome et véhicule électrique
Deux transformations majeures du secteur sont à l’oeuvre : la voiture autonome et le véhicule électrique. Les voitures autonomes vont constituer à elles seules un écosystème massif avec les constructeurs de véhicules et leurs sous-traitants qui deviennent des acteurs clefs de l’économie numérique.
Les constructeurs, comme les sous-traitants, doivent acquérir les compétences scientifiques et techniques qui sont au coeur de l’économie numérique, notamment dans l’intelligence artificielle, la programmation et la calibration des capteurs, les radars, sonars, lidars (télédétection par laser) et toutes les caméras qui captent les informations nécessaires aux calculs de positionnement.
Le coût des composants électroniques actuellement embarqués dans des véhicules de gamme moyenne est de 1.500 euros et dépassera 8.000 euros pour les systèmes autonomes complets : ce sera une source massive de création de valeur au cours des dix prochaines années. C’est toute une industrie électronique nouvelle dans laquelle un pays développé doit s’imposer s’il ne veut pas régresser : dix millions d’emplois sont en jeu pour la seule Union européenne à l’horizon 2025.
Rivalité sino-américaine
La mutation en cours est au coeur de la géostratégie mondiale. La
rivalité sino-américaine dans la mutation numérique se joue notamment
dans trois domaines joints : l’intelligence artificielle, la 5G et la
voiture autonome. Quand les Etats-Unis infligent des sanctions contre
Huawei et ZTE pour des raisons de sécurité, ils visent surtout à les
affaiblir dans leurs activités futures de développement de la 5G qui
accélère l’innovation technologique.
En effet, la 5G va permettre de faciliter le développement des voitures et camions autonomes et de tous les robots et cobots connectés, d’entrer dans le monde des centaines de milliards d’objets connectés
qui rythmeront nos vies futures, et d’accentuer l’essor des techniques
de réalité virtuelle. Toutes ces transformations vont ouvrir avant dix
ans des marchés annuels plus importants que la somme des PIB de
l’Allemagne et de la France.
La Chine pousse également le développement des voitures électriques
et hybrides afin de préempter les innovations des constructeurs
occidentaux en les obligeant à produire en Chine, et de lutter contre la
pollution locale. La Chine a produit 27 millions de véhicules en 2017
contre 17 millions aux Etats-Unis et 15 millions en Europe, et continue
d’investir massivement dans ce secteur
Et l’Europe ?
Nous ne pouvons concevoir l’avenir de l’Europe comme seulement consommatrice de véhicules autonomes et électriques importés alors que nous fermerions des dizaines d’usines et supprimerions des centaines de milliers d’emplois stables fabriquant souverainement des véhicules peu polluants.
Les stratégies de long terme, seules à même de sauver simultanément nos conditions de vie et notre niveau de vie, sont naturellement loin des slogans et fausses promesses. Elles ne peuvent être conduites que par des peuples informés et matures. Un rêve fou ?