Le poids de l’industrie en France a cessé de baisser. Pour réussir à réindustrialiser la France et profiter des gains de productivité, Maya Bacache Beauvallet prône une politique industrielle adaptée, basée sur la création d’écosystèmes d’innovation avec intégration technologique plus horizontale.
Les parts du secteur industriel dans le PIB et dans l’emploi se stabilisent après une longue période de baisse (15% en Europe, 13% en France). Ces chiffres sont pourtant trompeurs. D’une part, sous-estimés parce que les industries externalisent leurs activités de service et, d’autre part, surestimés parce qu’elles deviennent des producteurs de service. Les nouvelles technologies portent des espoirs de réindustrialisation et de développement responsable. En effet, et nous en parleront plus longuement à l’occasion des prochaines Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence, elles peuvent être porteuses d’effet externes positifs sur l’écosystème, de gains de productivité et de développement. Elles portent aussi l’espoir de générer des relocalisations dites schumpétériennes dues à un regain en termes d’avantages comparatifs structurels[1]. Mais à quelles conditions ?
Au niveau macroéconomique, on n’observe pourtant pas de corrélation entre les nouvelles technologies et la productivité. Ce scepticisme masque des effets de structure. En réalité les gains de productivité sont portés par les industries les plus près de la frontière technologique[2]. De plus, le secteur industriel assure 60% de la R&D en Europe, donc porte l’innovation dans le reste de l’économie. Les salariés à compétence scientifiques et techniques (ingénieurs, techniciens) améliorent la productivité des entreprises soit directement par la R&D soit en diffusant au sein des entreprises les nouvelles technologies et leurs applications[3].
Une politique plus horizontale
Par quelles politiques publiques construire un écosystème favorable à ces nouvelles technologies et à leur insertion dans les industries de demain ? La politique industrielle doit être horizontale et non verticale[4], c’est-à-dire soutenir l’intégration des technologies dans tous les secteurs et remonter le soutien public vers des activités innovantes, au plus près de la R&D et de la recherche fondamentale, et non soutenir une industrie en particulier.
Il est certes plus simple pour la politique publique de « désigner un gagnant », que ce soit une entreprise ou une technologie en lui accordant le bénéfice des subventions publiques ou du protectionnisme. Mais cette approche est non seulement distorsive, mais aussi vouée à l’échec. L’Etat n’a pas les bonnes informations pour déterminer quelle technologie est la plus efficace. A l’inverse, une politique pro-concurrentielle est un premier élément de soutien aux innovations pour inciter à l’expérimentation et aux nouvelles idées.
A l’inverse, les pouvoirs publics sont attendus dans la construction d’écosystème institutionnels favorables à l’innovation (normes communes, standards), dans la mise en place d’infrastructures, la construction de lieu d’expérimentation des innovations… et surtout dans un système éducatif qui reforme aux sciences (en particulier, aux mathématiques et à l’informatique).
C’est donc une révolution intellectuelle qu’il s’agit de mener pour la politique industrielle : ne plus choisir le gagnant en le subventionnant, mais construire un écosystème de formation et de recherche, ainsi qu’un cadre réglementaire souple favorable aux innovations.