Dans un monde marqué par la multiplication des périls et le pessimisme ambiant, est-il possible de renouer avec la confiance ? Cette question sera au cœur des prochaines Rencontres Économiques d’Aix.
Décidément, le thème de la confiance est particulièrement difficile. Pourquoi ? Il est dans tout programme, dans toute prise de parole, sans même que ce terme ait fait l’objet d’une définition précise et rigoureuse. C’est pourtant l’objectif que nous nous sommes fixé pour les 19e Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.
Après avoir traité de la prospérité et des métamorphoses du monde au cours des deux éditions précédentes, il nous semble que c’est la fin logique d’un cycle qui permettra, espérons-le, d’amorcer une description du monde tel que nous souhaitons qu’il soit, garantissant le retour des valeurs humanistes et de la confiance à toutes les échelles et à travers toutes les générations.
D’où nous vient la notion de confiance ? Difficile de se pencher sur ce sujet sans se replonger dans l’histoire des grands penseurs qui ont façonné le sens du terme, en commençant par John Locke. Au cœur de la période absolutiste, ce précurseur des Lumières définit le « trust », la confiance, comme fondement de la société civile : un pouvoir confié par le peuple à l’autorité politique, qu’il peut lui retirer à tout moment.
Par la suite, les définitions de la confiance se démultiplient, pénètrent toutes les disciplines des sciences sociales, notamment l’économie avec Smith, Keynes, Arrow… S’il fallait en retenir leur logique, toutes faites de rationalité, il s’agirait purement d’un choix calculé en vue de satisfaire des intérêts particuliers. Ce sont les sociologues qui vont enrichir la notion, souvenons-nous de Fukuyama ou de Putnam qui intègrent à cette notion une dimension sociale, culturelle et historique.
Pourquoi le thème de la confiance s’impose-t-il aujourd’hui comme un sujet majeur ? Selon l’enquête Eurobaromètre du Parlement européen , seuls 58 % des Français répondent positivement à la question « Avez-vous confiance dans l’avenir ? » Mais il ne s’agit pas d’un cas isolé. Un peu partout dans le monde, la confiance s’érode, alors que jamais dans l’Histoire des civilisations, nous n’avons été aussi riches et prospères. Relisons Antoine Prost, « Si nous vivions en 1913 » : quels immenses progrès technologiques et dans nos modes de vie !
Mais le manque de confiance n’est pas que perception liée à un pessimisme ambiant. En fait, loin d’être un monde apaisé, les dangers sont exacerbés comme jamais à travers le monde. Chacun connaît les tensions géopolitiques, mais il y a bien d’autres chocs qui bouleversent notre inquiétude pour l’avenir. Il y a ce vieillissement de la population mondiale. Il y a cette révolution technologique qui pose tant de problèmes aux classes moyennes confrontées à l’évolution de leurs emplois. Il y a évidemment la survie de la planète.
En ce début de XXIe siècle, pour bien saisir cet entrelacs de chocs et de transitions nécessaires, et imaginer des solutions heureuses, il nous faudra s’interroger sur cinq thèmes majeurs. Comment imaginer de nouvelles organisations qui permettent de redonner vie au multilatéralisme ? Comment donner à l’Europe une dimension de projets et non seulement de simples institutions ? Comment renouer le lien social, qu’il soit inter ou intragénérationnel ? Comment protéger l’individu de certains dévoiements des technologies ? Et, évidemment, on ne peut que s’interroger sur la manière dont le monde définira une politique satisfaisante en matière de réchauffement climatique et ses conséquences en matière de migrations.
Ce sont ces cinq grandes interrogations qui seront abordées à Aix. Le défi est de passer de l’analyse fouillée, bien entendu nécessaire, à l’étape majeure, celle des propositions.