Vendredi 2 mai, S&P Global a maintenu sa note AA sur la trajectoire de la dette française. L’agence de notation américaine a cependant maintenu sa perspective « négative », laissant planer le spectre d’une future baisse en cas de dérapage des finances publiques. Pour Christian Saint-Etienne, le lien est évident entre la prudence des agences de notation et les faiblesses actuelles de l’économie française.
L’économie française souffre de problèmes structurels très lourds liés à la désindustrialisation massive du pays depuis 1997, à l’abandon de toute ambition dans le domaine énergétique – avec l’affaiblissement de la filière nucléaire qui était même condamnée il y a dix ans, la négligence concernant l’hydro-électricité et l’insuffisance du développement des énergies renouvelables –, et à l’effondrement des performances scolaires.
Une croissance insuffisante
La Commission européenne évalue désormais la croissance annuelle moyenne de la France à 1% en 2023-2024, soit le taux de croissance moyen du pays au cours de la période 2001-2022. Il faut être conscient que c’est un rythme de croissance très insuffisant pour une économie qui a besoin de croître à 2% par an pour résoudre ses problèmes structurels en accélérant la transition vers une croissance écologique.
L’économie française a créé beaucoup d’emplois peu qualifiés depuis 5 ans, avec une productivité qui régresse, ce qui ne présage rien de bon à terme.
Pour que les perspectives de croissance s’améliorent, il faut réindustrialiser le pays, ce qui suppose, dans le contexte de la révolution du numérique en cours depuis quarante ans, de robotiser, numériser et électrifier l’ensemble du système de production et de distribution des biens et services. Les quelques annonces d’investissements étrangers sont les arbres qui cachent une désindustrialisation lente qui continue. La seule porte de sortie serait un doublement du nombre d’ETI industrielles favorisé par une stratégie ambitieuse d’innovation et d’investissement industriels.
Une réindustrialisation est possible
Afin de réindustrialiser la France pour créer un million d’emplois qualifiés et éliminer le déficit extérieur, il faut doubler la production électrique à base de nucléaire, d’hydro-électrique et de photovoltaïque en produisant les panneaux photovoltaïques sur notre territoire. Il faut également accélérer la construction de logements intermédiaires à énergie positive, au rythme de 100 000 unités par an, pour loger les travailleurs et éviter la construction de maisons individuelles mal isolées en grande périphérie des villes moyennes et des métropoles. Il faut parallèlement lancer une politique publique, coordonnée avec l’ensemble des collectivités locales, pour améliorer l’isolation thermique des 8 millions de logements anciens qui sont des ‘passoires thermiques’.
La construction de logements intermédiaires et la rénovation des ‘passoires thermiques’ conduiraient à la création de 300 000 emplois pérennes dans le secteur du BTP, des emplois non délocalisables. La réindustrialisation écologique, la relance de la construction de logements à énergie positive et la transformation de notre agriculture pour améliorer les rendements par des traitements biologiques, et non chimiques, peuvent contribuer à créer ensemble de 1,5 à 2 millions d’emplois avec les emplois induits dans les services.
Une stratégie offensive de redéveloppement
Les perspectives de croissance de la France ne sont pas bonnes à moyen terme si l’on n’adopte pas une stratégie offensive de redéveloppement de nos capacités productives. En l’absence d’une telle stratégie, les agences de notation ne peuvent que prendre acte du caractère insoutenable de nos politiques économique et budgétaire.