Reconfinement et plan de relance font-ils bon ménage ? Alain Trannoy explique pourquoi la France ne va pas bénéficier intégralement de l’aide européenne.
L’Europe du Sud et en particulier le trio Espagne, France et Italie, sont parmi les pays européens les plus impactés par les répercussions du freinage économique instauré par les confinements successifs, avec des baisses de PIB selon les prévisions de la Commission de respectivement 12,4%, 9,4% et 9,9% pour 2020. Pour l’Allemagne et la Pologne, la baisse est beaucoup moins conséquente : 5,6% et 3,6%. En comparaison, le PIB de l’Union Européenne est censé se contracter de 7,4%.
Les trompettes ont retenti pour se féliciter du plan de relance européen qui, effectivement, représente un pas en avant sur le plan institutionnel. L’accord a été obtenu de haute lutte et il est hors de question de mégoter le fait que la France, dans cette négociation, a été du bon côté. Du côté de la solidarité ; du côté du long terme car sans mécanisme correcteur de choc asymétrique il est difficile de penser que la zone Euro a un avenir à long terme ; du côté de l’efficacité macroéconomique car une relance doit reposer sur ses deux jambes, une jambe monétaire et une jambe budgétaire.
Néanmoins, alors que tant de pays ont donné l’exemple de petits boutiquiers défendant ardemment leur intérêt financier à peine déguisé derrière la défense de « hautes valeurs morales », il n’est pas totalement interdit de s’interroger sur la répartition entre pays du plan de relance et de savoir si la France reçoit un traitement équitable, en rapport avec le choc économique subi.
Sur les 750 milliards d’euros du plan de relance européen, 390 milliards seront directement distribués sous forme de subventions aux Etats-membres. Si les trois pays latins apparaissent effectivement en tête des pays bénéficiaires, la répartition ne laisse pas d’étonner. L’Italie et l’Espagne, avec des enveloppes respectives de 65,5 et 59,2 milliards d’euros, tirent bien leur épingle du jeu. Ils devancent la France qui, avec 37,4 milliards, serait le troisième récipiendaire. Suivraient la Pologne et l’Allemagne, avec respectivement 23,1 et 22,7 milliards d’euros. Ainsi la France recevrait 10% des fonds plan de relance, alors qu’elle représente 17,6% du PIB Européen et qu’elle est beaucoup plus touchée que la moyenne des pays Européens. La Pologne, grande gagnante de la distribution des fonds structurels, semble ici particulièrement favorisée, alors qu’elle fait partie des pays européens les moins impactés.
Les critères de répartition de ce plan de relance ne dépendent que trop peu de l’asymétrie du choc entre pays. Le versement de la subvention s’étalera sur trois ans, de 2021 à 2023, dont 70 % les deux premières années. Sur cette période, chaque pays touchera une allocation définie selon trois critères : population, produit intérieur brut par habitant et taux de chômage sur la période 2015-2019. Les 30 % restants seront donc versés en 2023. Cette année-là, la répartition par pays sera non seulement fonction de la population et du PIB par habitant, mais aussi de la baisse du PIB observée en 2020 et 2021. Il est possible qu’in fine la France reçoive un peu plus que les 37 milliards promis, si la contraction du PIB suit la trajectoire prévue. L’Italie dans une situation fragile et l’Espagne particulièrement affectée par la rudesse du choc sont deux grands clients de la France. Les aider, c’est aussi nous aider. Mais il n’est pas totalement exclu que la France soit in fine le pays le plus en difficulté à la sortie de la crise.