La crise économique liée à la pandémie de coronavirus porte-t-elle en germe l’inflation ou la déflation ? Qu’en est-il sur le fond ? Jean-Paul Betbeze explique pourquoi aucun des deux ne menace… pour l’instant. Prochain point d’étape, lors des 20e Rencontres Économiques, organisées par le Cercle des économistes, exceptionnellement depuis la Maison de la Radio, à Paris, les 3, 4 et 5 juillet 2020.
France : un peu d’inflation. En mai, la hausse des prix a été de 0,2%, après 0,3% en avril. Cette faible progression est la conséquence de deux processus contraires : les prix des produits alimentaires montent de 3,1% sur un an, avec un poids dans l’indice qui explique l’essentiel de la hausse car, d’un autre côté, les prix industriels et de l’énergie baissent. En France, les tendances inflationnistes sont liées au virus et au confinement (alimentation, dont les produits frais), les tendances inverses aussi (avec l’arrêt de certains achats) !
États-Unis : un peu de déflation. En avril les prix ont baissé de 0,8% sur un mois, ce qui fait que l’inflation n’est plus que de 0,3% sur un an, contre 1,5% en mars. Les baisses viennent de l’essence certes, des vêtements, des tickets d’avions (bien sûr), mais aussi des assurances et des loyers. Et ces baisses dépassent les hausses des produits alimentaires : 3,5%.
Inflation ou déflation ? La pandémie, par le confinement, fait chuter l’offre et donc l’emploi, qui pèse à son tour sur la demande, plus les inquiétudes sur une « nouvelle vague » du virus. Les prix s’orientent à la baisse. Les entreprises font des rabais pour vendre autant que possible, et diminuer leurs stocks. Les commerces soldent. La baisse des prix s’installe dans les esprits. Mais, en face, les ménages s’inquiètent de ces grandes surfaces où l’on se cotoie de trop près, où les prix sont moindres. Ils veulent des produits frais, proches, made in France, ce qui sera plus cher. Les entrepreneurs vont simplifier et raccourcir leurs chaînes de production : moins de made in China, plus de made in France ou en zone euro, donc plus cher aussi.
Qui va l’emporter ? Les entreprises vont tenter de faire passer dans leurs prix une part de leurs coûts, et chercher peut-être à réduire leurs pertes antérieures. Comment entrepreneurs et ménages vont-ils réagir à cette nouvelle donne, complexe et contradictoire, qui les oppose ? Si rien ne change, la baisse de la demande est profondément déflationniste et handicape une reprise moins prévisible. On ne sait ni le volume ni la forme qu’elle prendra, avec les inquiétudes qui viennent de la pandémie, du chômage, des dettes publiques et privées, et des tensions sociales. Tout cela va-t-il repousser les achats des ménages et les investissements des entreprises ? La pression sur certains coûts de production va-t-elle pousser l’inflation, au risque de réprimer davantage la demande face à des salaires en berne ? Qui va gagner ?
Les bourses répondent, avec la hausse de 6,7% du Nasdaq depuis janvier, contre les baisses de 6,4% de Shanghai, 8,2% du Nikkei, 12% du Dow Jones, 12,6% du Dax et 23,5% du Cac. Avec les GAFAM, l’e-économie sera gagnante dans cette accélération des comportements qu’amène le virus, avec les logiciels et matériels de télétravail, sachant que, par ailleurs, le luxe et les soins personnels vont aussi reprendre. Le soi et le chez soi. Face à la remontée de l’offre, qu’il faudra aider avec la robotique et la formation, c’est la baisse de la demande, avec la montée de l’épargne forcée et de précaution, qu’il faudra réduire. Une histoire d’emplois et de vaccin.
La relance, c’est la lutte contre la déflation. Si l’inflation baisse, la baisse des taux par les banques centrales ne pourra plus soutenir l’activité. Les programmes massifs de soutien dans l’industrie et les services sont indispensables. La BCE aidera, les bourses commencent à y croire.
Le FMI nous dit que les prix vont monter ici de 0,3% cette année, puis de 0,7%. Ni inflation ni, surtout, déflation. Ouf !