Les risques toujours plus nombreux amènent les primes d’assurance à augmenter bien plus rapidement que l’inflation. Jusqu’à présents, les prix n’ont pu être contenus que de manière artificielle grâce aux politiques monétaires accommodantes menées depuis 2008, analyse Philippe Trainar.
Dans une chronique publiée dans Les Echos du 26 octobre 2022 , Denis Kessler, président du réassureur SCOR, annonçait que l’assurance allait inexorablement augmenter ses primes pour faire face à l’intensification des fléaux climatiques.
De façon plus générale, il faut être conscient du fait que les primes d’assurance et de réassurance sont structurellement orientées à la hausse, à des rythmes significativement supérieurs à ceux de l’inflation. Les raisons de cette hausse sont à rechercher du côté de la tendance à l’expansion de l’univers des risques dans nos sociétés contemporaines.
Une expansion de l’univers des risques
Trois causes principales contribuent à cette tendance. Tout d’abord, la richesse des assurés croît, avec l’économie, à un rythme supérieur à celui de l’inflation. Or, les assureurs indemnisent des stocks de richesse matérielle (machines, maisons, autos, etc.) ou immatérielle (capacité à générer un revenu…).
Ensuite, la population mondiale croît elle-même à un rythme rapide et, avec elle, les interactions tant positives (opportunités de socialisation) que négatives (externalités négatives de nos actions individuelles). Ces dernières, qui sont à l’origine de nombreux sinistres volontaires ou involontaires, sont classiquement couvertes par les assureurs.
Leur multiplication a incité l’Etat à réguler les comportements avec pour conséquence que la responsabilité des personnes, physiques ou morales, qui est elle aussi couverte par les assureurs, est de plus en plus systématiquement mise en cause lorsque ces régulations n’ont pas été respectées. Enfin, le progrès technique, qui amplifie toujours plus la puissance physique et intellectuelle de l’homme, se traduit non seulement par des sinistres de plus en plus catastrophiques lorsque la technique est défaillante, mais aussi par une mise en danger croissante de la planète en raison du réchauffement climatique.
Confrontés à cette expansion de l’univers des risques, les assureurs et les réassureurs ne peuvent qu’accroître leurs tarifs, et cela d’autant plus que la probabilité des événements les plus extrêmes croît plus vite que la moyenne , comme on le constate pour les catastrophes naturelles, et que la couverture de ces événements est très gourmande en capital. Or, le capital est le facteur de production le plus rare et donc le plus coûteux, car il résulte du cumul de la rareté du travail et de la rareté de l’épargne.
Catastrophisme exagéré ou attentes raisonnables ?
Certains dénoncent toutefois ce qu’ils considèrent comme un « catastrophisme » exagéré des assureurs qui ne servirait qu’à nourrir leurs profits. Ils font valoir que les tarifs des catastrophes naturelles, les fameux « rate on line » censés équilibrer l’offre et la demande de couverture, ont baissé en Europe sur deux décennies et aux Etats-Unis sur plus d’une décennie.
Mais, c’est oublier que cette baisse a été très largement factice dans la mesure où elle a résulté des politiques monétaires exceptionnellement accommodantes menées depuis la crise financière de 2008. Ces politiques ont, en effet, incité les investisseurs à arbitrer leurs portefeuilles en faveur de placements beaucoup plus risqués, dont font partie les capitaux investis dans la réassurance, elle-même clé de voûte de la couverture des catastrophes naturelles, comme dans l’assurance.
La normalisation de la politique monétaire et la hausse des taux d’intérêt est en train de mettre fin à cette conjoncture exceptionnelle. Parallèlement, les « rate on line » retrouvent leur tendance haussière et les tarifs d’assurance suivent le mouvement. Ces hausses sont nécessaires pour préserver la solvabilité des assureurs et des réassureurs confrontés à un univers des risques en expansion.