Présentée en Conseil des ministres le 23 janvier prochain, la réforme du système de retraites sera ensuite débattue au Parlement à partir de février. Pour Philippe Trainar, malgré la réforme envisagée, notre système restera largement déficitaire, rendant incertaine la pérennité des pensions… sauf à recourir à l’épargne privée.
Rappelons le tableau général : le gouvernement souhaite repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite à taux plein, de 62 ans à 64 ans pour les personnes entrées sur le marché du travail après 20 ans, à raison d’un trimestre supplémentaire chaque année ; il souhaite toutefois en exonérer les personnes entrées sur le marché du travail entre 16 et 18 ans ; enfin, il souhaite ramener à 2027 la date de passage de la durée de cotisation à 43 ans. Aux dires du ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, cette réforme permettrait de générer 17,7 milliards d’euros d’économies en 2030 par rapport à un déficit du système de retraite estimé à 13,5 milliards par le Conseil d’orientation des retraites, laissant, selon le ministre, une « cagnotte » de 4,2 milliards pour des mesures d’accompagnement, notamment en faveur de la pension minimale brute qui serait relevée à un niveau égal à 85% du SMIC.
La cagnotte imaginaire
En fait, la « cagnotte » de 4,2 milliards est imaginaire car notre système de retraite est bien plus déficitaire que ne le prétend le Conseil d’orientation des retraites qui passe sous silence le fait que le déficit de 30 milliards d’euros du système de retraite des fonctionnaires civils et militaires, y compris personnels hospitaliers, est couvert par une subvention d’équilibre, pudiquement voilée par une cotisation employeur de 74,28% et 126,07% respectivement pour chacune des deux catégories de fonctionnaires (qui oserait qualifier d’assurance un régime dont les cotisations se situeraient aux alentours de 100% ?).
Après la réforme envisagée, notre système de retraite restera donc massivement déficitaire et ce déficit restera couvert par les budgets de l’Etat et des collectivités locales, ce qui veut dire que la pérennité des pensions en 2030 reste tout aussi incertaine qu’elle l’est aujourd’hui, et que la tentation restera forte pour les pouvoirs publics de réduire le niveau des pensions, notamment celui des pensions plus élevées dont le taux de remplacement a fortement diminué dans le passé et va continuer à diminuer fortement dans les années à venir, à moins que les gouvernements futurs ne préfèrent augmenter les cotisations sociales avec leurs conséquences économiques dommageables sur l’emploi, la richesse nationale et, par ricochet, les pensions.
L’épargne de sécurité
La réforme envisagée par le gouvernement confirme donc l’incertitude qui plane sur les retraites à venir et la nécessité pour la majorité des Français de se protéger par rapport à une forte baisse de pouvoir d’achat lors du passage à la retraite. Autrement dit, pour les Français qui ne sont ni fonctionnaires, ni éligibles au minimum vieillesse, il est encore plus impératif aujourd’hui qu’hier de se constituer une épargne retraite qui leur permette de lisser un tant soit peu leur niveau de vie au cours du cycle de vie.
Cette épargne peut prendre la forme soit d’une épargne individuelle investie dans des produits financiers classiques, notamment de l’assurance-vie, soit d’une épargne collective gérée dans le cadre de fonds de pension pour lesquels il reste à créer, en France, un véhicule ad hoc bénéficiant, à l’entrée comme à la sortie, d’une fiscalité adéquate par rapport à leur fonction de couverture de la retraite. La formule individuelle présente l’intérêt de pouvoir laisser en héritage à ses enfants le surplus d’épargne résultant d’un décès anticipé mais elle est à la fois plus coûteuse et, surtout, plus risquée non seulement financièrement mais aussi en termes de longévité dans l’hypothèse d’une durée de vie plus longue qu’anticipée. La formule collective présente l’intérêt d’être moins coûteuse, moins risquée financièrement et très sécurisante par rapport au risque de longévité, mais elle ne laisse aucune possibilité de transmettre le surplus à ses enfants en cas de décès anticipé. En outre, les gouvernements successifs ont eu tendance à « matraquer » fiscalement et socialement la formule plutôt qu’à la promouvoir… et l’on ne voit guère pourquoi cette attitude devrait changer à l’avenir.
L’assurance-vie, la vraie assurance vieillesse
Finalement, on se trouve ramené à la formule classique de l’assurance-vie qui présente l’intérêt de minimiser les risques financiers de la formule individuelle et de bénéficier d’un régime fiscal, si ce n’est attractif, à tout le moins plus favorable que celui qui s’applique aux autres produits financiers. Et, au sein de l’assurance-vie, il faut bien confesser que la couverture d’un risque long comme celui de la retraite est mieux assurée par un produit en unités de compte très diversifié que par un produit en euros.