Alors que le Parlement étudie le budget de la France pour 2023, quelle en est la part objectivement écologique ? Pour Katheline Schubert, l’effort est indéniable mais des questions conceptuelles demeurent.
Il ne fait aucun doute que pour réussir la transition énergétique un très gros effort d’investissement « climat » est indispensable. Il s’agit d’investissements dans les énergies renouvelables, dans l’énergie nucléaire, dans l’efficacité énergétique des bâtiments, dans les véhicules électriques et les infrastructures associées, dans les transports publics, dans la forêt. Sont également indispensables des investissements d’adaptation des infrastructures et des bâtiments à un climat qui se réchauffe. Et la protection de notre environnement ne s’arrête pas au climat : préserver la biodiversité, gérer correctement les ressources en eau, diminuer les pollutions locales nécessite également d’investir massivement.
Le gouvernement a présenté le 11 octobre la troisième édition du « budget vert ». Le principe en est le suivant. Les dépenses budgétaires et fiscales se voient attribuer une couleur verte si elles sont favorables à un objectif environnemental, grise si elles sont neutres, marron si elles sont défavorables. Sont considérées comme favorables les dépenses dont l’objectif affiché est environnemental et celles qui n’ont pas d’objectif environnemental mais ont un impact environnemental positif avéré.
Les six objectifs verts
Six objectifs sont distingués : atténuation du changement climatique, adaptation à ce changement, gestion de l’eau, réduction des déchets, lutte contre les autres pollutions, protection de la biodiversité et des espaces naturels. La couleur attribuée à une dépense peut bien sûr être différente selon ces différentes dimensions. La dépense est globalement favorable si les six couleurs par objectif sont vertes ou vertes et grises, globalement neutre si les couleurs sont vertes pour certains objectifs et marrons pour d’autres, globalement défavorable si les couleurs par objectif sont marron ou marron et grises.
L’attribution d’une couleur se fait par jugements d’experts au sein d’un groupe de travail interministériel. La méthodologie est évolutive, destinée à être affinée au cours du temps et en fonction de la disponibilité de nouvelles études. Il faut saluer l’avance de la France sur les autres pays européens dans cet exercice de budget vert, dont l’intérêt est indéniable. Mais les résultats de l’exercice permettent-ils de porter un jugement sur le niveau des investissements publics verts ?
Il s’avère que pour le budget 2023 les principales dépenses favorables à l’environnement sont des dépenses « climat » : subventions aux travaux de rénovation énergétique des bâtiments (Ma Prime Rénov’ ; taux réduit de TVA), aides à l’acquisition de véhicules propres, subventions d’investissement dans les transports ferroviaires. Le gouvernement indique que le total des dépenses favorables est de 33,9 Mds d’euros, soit 7% du total.
L’exception du bouclier tarifaire
Ce chiffre de 7% n’a en soi pas grand sens. Il est plus pertinent d’examiner l’évolution au cours du temps des dépenses favorables, qui indique une progression (4,5 Mds de plus en 2023 par rapport à 2022), et le ratio des dépenses défavorables aux dépenses favorables, qui diminue légèrement (32% contre 35% en 2022). Mais ces chiffres sont calculés « hors impact exceptionnel de la hausse des prix de l’énergie et les dépenses qui lui sont liées », c’est-à-dire hors bouclier tarifaire.
Comme ces dépenses sont de facto des subventions aux énergies fossiles, les prendre en compte changerait totalement le diagnostic que l’on peut porter sur le budget vert : le ratio des dépenses défavorables aux dépenses favorables bondirait au niveau de 58%.
Au-delà des chiffres, des questions conceptuelles sur l’outil du budget vert demeurent, comme l’illustre le cas de la rénovation énergétique des bâtiments. Les gouvernements successifs ont multiplié les plans pour inciter à la rénovation, parée de nombreuses vertus : elle permettrait tout à la fois la diminution des émissions de CO2, des économies d’énergie et la réduction de la précarité énergétique. Mais les émissions de CO2 du logement ne baissent pas.
Après le Haut Conseil pour le Climat, la Cour des Comptes vient de rappeler que la qualité des travaux de rénovation est souvent médiocre, que les rénovations entreprises sont superficielles alors qu’il faudrait des rénovations profondes, et que l’effet rebond est négligé. Dès lors, faudrait-il consacrer davantage d’argent public à des dépenses pas ou peu efficaces, comme l’a récemment voté l’Assemblée nationale ? Tant qu’on ne disposera pas d’évaluations ex post de l’efficacité des dépenses s’appuyant sur des données solides il ne sera pas possible de le dire. Mettre des couleurs aux dépenses ne suffit pas.