Le titre de cet article peut paraître politiquement et humainement incorrect, mais il est économiquement fondé. Le mot crise en chinois veut dire à la fois menace et opportunité. C’est historiquement démontré. Toute crise majeure fait de nombreuses victimes mais donne aussi naissance à des mutations salutaires. Le coronavirus n’échappe pas à la règle. Au-delà du drame humanitaire qui mettra, au mieux, plusieurs années à s’estomper, des réponses vont pouvoir être apportées, enfin sans tabou, et ce à trois niveaux.
Au niveau microéconomique d’abord. C’est presque le plus simple. Au niveau des entreprises, cette crise va profondément modifier les « chaines de valeur », c’est-à-dire notamment la localisation des productions, au moins pour les produits « stratégiques », dont la liste va significativement s’allonger.
Par ailleurs, la prise en compte des conditions de travail va devoir être repensée : qui aurait pu imaginer, il y a six mois, que notre survie pouvait dépendre des éboueurs et des caissières des supermarchés ? Les administrations vont être, elles aussi, impactées à tous les niveaux. Au niveau des investissements (un rond-point inutile vs. un lit d’hôpital ?), mais aussi et surtout des comportements. L’administration a, en gros, très bien réagi. Mais combien de tergiversations, et donc de lenteurs, doivent et peuvent être impérieusement réduites ?
Au niveau des consommateurs va-t-on enfin comprendre que les circuits courts présentent des avantages incontestables au-delà même de la survie de notre agriculture et de notre industrie ?
Deuxième niveau, celui des secteurs d’activité. C’est peut-être le plus difficile à résoudre mais le plus facile à énoncer. L’occasion nous est enfin donnée de réformer en profondeur notre système de santé. En remerciement de ce qu’ils font mais bien au-delà. Ce qui est vrai en priorité du secteur sanitaire l’est aussi du système bancaire, contraint certes par des règles absurdes, mais qui n’a (presque rien compris de la crise de 2008. De même le secteur de l’énergie va-t-il pouvoir mettre celle-ci (son énergie) pour véritablement accélérer sa transition ? Au-delà, la plupart des autres industries (agriculture, BTP…) vont avoir à faire leur aggiornamento pour enfin participer à la construction d’un monde plus raisonnable.
Au plan géographique, l’enjeu est le même. L’Europe peut mourir de cette crise mais elle peut aussi enfin se renouveler. Les pays émergents vont peut-être comprendre que l’on ne peut pas émerger à n’importe quel prix. De même, le problème des migrations internationales, si négligé aujourd’hui va-t-il peut-être enfin être traité de manière rationnelle.
Pour la macroéconomie, presque rien à dire sur le sujet tant le diagnostic est aveuglant. Cette crise peut-être la revanche de Keynes et de ses politiques contra-cycliques. Cette crise peut-être la revanche du multilatéralisme car il n’y aura pas de sortie de crise sans coopération internationale renforcée. Cette crise peut être aussi l’occasion de refonder des organismes multilatéraux (FMI, OMC, OMS, …) qui ont démontré leur impuissance à ce jour.
Cet article n’est en aucun cas iréniste ou naïf. Le pire serait que cette crise débouche, à tous les niveaux, sur des politiques de décroissance et d’égoïsmes nationaux. La peur est parfois bonne conseillère. La COP 21 et la crise de 2008 n’ont servi à rien ou presque. Espérons en toute lucidité que la catastrophe du coronavirus permette de modifier nos comportements et nos choix de société. Ce n’est pas un rêve. Ce n’est pas non plus une réalité mais l’avenir de nos enfants en dépend. Le coronavirus constitue peut-être (aussi) pour eux une chance…