On peut, sans emphase, parler d’une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité. De quoi s’agit-il ? De ce qu’on peut appeler la « société du vieillissement ». Selon Jean-Hervé Lorenzi, jamais, dans la longue histoire humaine, la pyramide des âges n’a connu une telle forme donnant aux plus de 60 ans une part inégalée. On en connaît les raisons : la baisse de la fécondité et l’allongement de la durée de vie.
L’impact de ce bouleversement sera majeur puisqu’un quart à un tiers de la population va passer près du tiers de sa vie en retraite, ce qui va brutalement changer les équilibres sociaux et économiques. Cette population, qui possède l’essentiel du patrimoine, va peser sur la gouvernance de notre société. Cette société du vieillissement peut créer une situation très difficile en fermant la porte aux plus jeunes et en s’arc-boutant pour éviter toute évolution qui remette en question la position de ses membres. Heureusement, cela n’arrivera pas. Néanmoins, quelques conditions doivent être remplies pour se rapprocher d’une harmonie entre les générations.
C’est à cet objectif que nous nous sommes consacrés avec François-Xavier Albouy et Alain Villemeur dans un ouvrage récent*. Nous avons défini la société du vieillissement harmonieuse comme société où les conditions de vie pour les seniors sont jugées satisfaisantes, où se généralise une activité socialisée pour chacune et chacun, contraignante et altruiste, où est reconnu comme valeur première le souci de soi, c’est-à-dire la permanence de l’acquisition de connaissances, le développement des activités réflexives physiques, intellectuelles et spirituelles et la priorité donnée à la recherche de la longévité en bonne santé. Pour cela, on ne peut se contenter d’une énième réforme des retraites, certes nécessaire, mais largement insuffisante pour comprendre et construire cette nouvelle forme de société. Il nous faut parvenir à traiter les problèmes de dépendance, de concentration du patrimoine, d’utilisation de l’épargne et de maintien en activité. Problèmes qui revêtent une dimension nouvelle et qu’il nous faut traiter de manière cohérente et simultanée.
On ne peut se contenter d’une énième réforme des retraites pour
Alors, au-delà de cet avenir incertain, quelles sont les propositions que l’on peut formuler pour surmonter les difficultés à venir ? Il nous a semblé que la réforme du système des retraites telle qu’imaginée aujourd’hui était très satisfaisante mais, ne nous y trompons pas, la convergence des régimes de retraite prendra de nombreuses années. Cette mécanique doit sans nul doute prendre en compte l’espérance de vie post-retraite et conduira naturellement à un allongement de la durée de vie au travail et suppose, pour atténuer les phénomènes de baisse de niveau de vie relatif des retraités, la mise en oeuvre d’un régime de retraite d’épargne collectif. Outre la retraite, va se poser une autre difficulté, celle de la dépendance et des maladies neuro-dégénératives dont on ignore encore l’ampleur exacte. Quoi qu’il arrive, il nous faut travailler sur deux possibilités, celle d’une assurance dépendance obligatoire et celle d’une liquéfaction du patrimoine immobilier pour ceux dont les revenus ne permettent pas d’assurer le coût de cette dépendance.
Enfin, et peut-être surtout, l’harmonie de cette société reposera sur la généralisation de l’activité des seniors, une véritable société d’activités avec toutes les formes d’incitation imaginable. C’est notamment sur ce triptyque que l’on peut fonder cette société nouvelle.