Accusé de botter en touche en cette période de crise économique liée au Covid-19, le secteur de l’assurance réfléchit à de nouveau mécanismes. Pour Philippe Trainar, le risque pandémique est difficile à prendre en compte comme assurance traditionnelle, mais sa couverture pourrait être améliorée.
Naturellement, les contrats d’assurance remboursent les frais afférant aux soins auxquels les personnes contaminées ont recours. En outre, sauf disposition contraire, les contrats décès, couvrent, en général, la mortalité imputable aux épidémies. C’est notamment le cas pour les indemnités compensatrices versées à la famille ainsi que pour la prise en charge du remboursement des crédits immobiliers souscrits par les personnes décédées.
En revanche, l’épidémie est en général exclue des contrats couvrant les biens ou la responsabilité, pour la bonne raison que ceux-ci présupposent soit un dommage aux biens, quand la pandémie affecte les personnes, soit une responsabilité clairement identifiée, quand la pandémie n’a pas de responsable désigné (c’est un « act of God »). De ce fait, l’interruption d’activité, l’annulation d’un événement et la perte de revenu induites par une épidémie, et tout particulièrement par la décision unilatérale par l’Etat d’imposer un confinement, sont traditionnellement exclues des couvertures proposées par les assureurs.
Certains économistes ne manquent pas de dénoncer, à ce propos, la défaillance du marché et d’appeler à l’intervention correctrice de l’Etat. Ils font l’erreur de ne pas voir que la pandémie n’est pas un risque comme les autres : elle constitue l’une des formes les plus parfaites du risque systémique.
L’assurance et la réassurance apportent déjà ce qu’elles ont la capacité d’apporter, en fonction de leur niveau de capital et sur la base des relations de marché. Mais, personne, pas même l’Etat, ne peut s’engager de façon crédible à indemniser totalement ce risque, sachant qu’il sera lui-même gravement affecté au même moment où il sera appelé au titre de son engagement.
Les destins des empires inca, byzantin et ottoman nous rappellent la redoutable puissance destructrice des pandémies. Et, pour prendre la mesure du choc économique lié à l’épidémie de coronavirus, rappelons qu’un seul mois de confinement coûterait trois points de PIB à la France, selon l’INSEE, du fait de la seule chute d’activité, sans prendre en compte les coûts des soins et de la mortalité. C’est plus de la moitié des fonds propres des assureurs et près du quart des dépenses de l’Etat, et cela pour une pandémie somme toute modérée. Deux mois de confinement, situation maintenant probable, coûteraient donc le double, soit 6 points de PIB.
Pour autant, la couverture du risque pandémique pourrait être améliorée. Si les épidémies affectent tout le monde, leurs effets ne sont pas équirépartis. On pourrait concevoir d’en optimiser la répartition de façon à la rendre plus supportable. Ce partage, qui ne pourrait totalement reposer ni sur des mécanismes de marché, ni sur des normes juridiques, appelle une façon nouvelle de travailler qui passe par une coopération étroite entre l’Etat et le marché.
La couverture des attentats terroristes a tracé la voie. La couverture des épidémies doit pousser plus loin la même logique et concevoir un schéma à la fois plus large et plus souple, adapté à la spécificité de ce risque. Comme pour les attentats terroristes, on pourrait le concevoir autour de trois niveaux d’intervention combinant l’assurance, la réassurance et l’Etat, en fonction de l’ampleur du choc. Mais, il est important que l’on soit très clair sur la portée et les limites de cette couverture qui ne peut viser qu’à alléger, sans la supprimer, la charge des agents exposés.