2018, annus horribilis pour les bourses. Europe, Etats-Unis, Asie… aucun marché n’a été épargné par les replis très importants. La Bourse de Paris a connu sa pire année depuis 2011. Comment interpréter cette tendance et, surtout, qu’attendre de 2019 ? Jean-Paul Betbeze explique pourquoi les Etats-Unis seront au centre de toutes les attentions.
De la visibilité comme toujours, donc du calme. Ils seront déçus, car la volatilité sera aux premières loges en 2019. Elle viendra bien sûr des conflits et tensions en cours de par le monde, mais plus encore du nouveau rythme de la Banque centrale américaine pour expliquer ses décisions. Quoi, Jerome Powell agitateur en chef ? Il ne manquait plus que cela ! De fait, il commentera ses décisions non plus quatre fois par an, mais huit. En même temps, il annonce le 19 décembre 2018, avec sa quatrième hausse de l’année, qu’il n’y en aura que 2 (au plus) en 2019, puis 1 en 2020, puis rien.
Le monde de 2019 sera source d’angoisse
Deux hausses de taux aux États-Unis en 2019, et huit réunions ? Certes le monde de 2019 ne manquera pas d’angoisses : guerres «classiques» au Moyen-Orient ou en Afrique, fake news partout, Brexit (lequel ?), élections européennes, tensions sociales partout, avec ou sans « gilets jaunes » ! Et, pour dire aux marchés financiers ce qui va se passer : ils auront donc plus de Powell pour commenter des chiffres sans pratiquement rien faire, et un Mario Draghi qui lui ne fera rien !
Mario Draghi a déjà tout dit : moins de croissance que prévu il y a encore quelques mois (1,9% en 2018, 1,7% en 2019, 1,7% en 2020 et 1,5% en 2021), avec moins d’inflation (1,8% en 2018, 1,6% en 2019, 1,7% en 2020 et 1,8% en 2021). La prochaine hausse des taux de la BCE serait pour fin 2020 ! Rien à attendre du Japon, où la banque centrale entasse les bons du trésor dans l’attente de l’inflation, mais sans la hausse de la TVA qui la ferait venir ! Rien à attendre d’une Banque centrale chinoise aux ordres, avec une croissance à soutenir par des crédits (encore plus risqués).
La Fed va faire la pluie et le beau temps sur les marchés
Donc, la seule banque centrale qui pourrait faire bouger les marchés, en livrant ses sentiments sur le futur, c’est la Fed ! Mais Jerome Powell ne cesse de livrer ses incertitudes ! Il nous répète qu’il traite le maximum d’informations et d’analyses, lit les statistiques et prête l’oreille aux entrepreneurs, si sensibles aux micromouvements. Il confesse alors que l’inflation n’est plus ce qu’elle était, à 2 %, avec des salaires qui montent enfin un peu, en plein emploi. Il annonce que le taux des Fonds fédéraux de fin décembre, à 2,3%, est le point bas du taux d’équilibre, pour le monter graduellement à 2,9% en 2019, puis à 3,1% en 2020 – 2021.
Pour (penser) nous calmer, Jerome Powell, ainsi parvenu au minimum du «taux neutre» qu’il cherche depuis si longtemps, nous avertit qu’il est désormais data dependent. Finie la forward guidance (que Mario Draghi veut, lui, renforcer). Huit fois par an désormais, il nous dira ce qu’il sait et expliquera ses choix. Les marchés vont-ils, comme en décembre, se demander chaque fois s’il va monter ses taux, ou parier sur une hausse par semestre, le reste étant du (triste) commentaire statistique ? Car Jerome Powell jure que sa politique monétaire ne répond pas aux politiques (Trump, pour ne pas le nommer).
2018 : une année à oublier
Pourtant, 2018 a été sans appel. Les bourses ont souffert en fonction de l’opposition de leur pays à Trump : Dow Jones et S&P et Nasdaq le moins bien sûr (de -7 à -9%), puis FTSE et CAC 40 (de -13 à -14%), puis DAX et Shanghai (de -21 à -22%). La politique a pris le pouvoir. Qu’attendent donc les marchés ? Que Powell s’énerve contre Trump ? Dise qu’il est désemparé ? Que l’inflation arrive ? Ou bien que Trump rate – on le dirait avec les baisses en cours, ou réussisse – pour rebondir ? Powell-Trump : le match 2019.