La crise COVID a conduit à une accélération des travaux de recherche en économie pour essayer d’informer les politiques publiques aussi rapidement que possible.
Les études macroéconomiques se basent souvent sur des données comme le PIB dont les valeurs finales révisées ne sont disponibles qu’avec un délai d’un an ou plus. Comme il est important de mesurer rapidement l’impact des baisses d’activité dans les différents secteurs de l’économie, les chercheurs de plusieurs pays ont cherché à obtenir des bases de données inhabituelles, à haute fréquence, pour effectuer leurs analyses quasiment en temps réel. Les données bancaires, agrégées et strictement anonymisées se sont avérées être une source d’information importante.
Pour la France, une étude du Conseil d’Analyse Economique a ainsi pu montrer que, durant le premier confinement, le surcroit d’épargne a été massif (de l’ordre de 50 milliards) et qu’il s’était porté principalement sur des actifs très liquides. Les ménages les plus modestes, eux, ont puisé dans leur épargne. La consommation de biens durables qui s’était effondrée a rebondi assez rapidement alors que d’autres secteurs comme la restauration ont bien sûr été affectés de façon plus persistante.
Pour l’Espagne, des chercheurs ont montré, pour les clients d’une grande banque, une augmentation rapide mais de façon surprenante assez éphémère de la part des achats internet dans les achats totaux. Ils ont aussi trouvé que les clients vivant dans les quartiers plus populaires ont eu des dépenses liées au transport plus élevées durant le confinement pendant les jours travaillés que les clients des quartiers riches. Cette différence s’estompe pendant les week-ends. Cette analyse a bien sûr des implications économiques mais peut aussi informer les politiques de santé.
Pour le Royaume-Uni, des chercheurs ont trouvé que la moitié du déclin de la consommation agrégée pendant le confinement était due aux 25% des ménages les plus riches. Pour ceux-ci la consommation a baissé beaucoup plus que leurs revenus, comme dans le cas Français. Les régions les plus riches ont donc vu une plus grande contraction des dépenses. De façon intéressante, la baisse des dépenses des ménages a commencé avant le confinement et quand celui-ci a été partiellement levé les reprises les plus fortes ont été observées dans les secteurs pour lesquels la distanciation physique est la plus facile. Non seulement les chercheurs ont analysé des données nouvelles mais ils ont aussi essayé d’évaluer l’effet des politiques publiques. Ainsi Thiemo Fetzer de l‘université de Warwick a analysé l’effet de la politique de subventions gouvernementales pour les repas aux restaurants mise en place au Royaume Uni pour un cout de 500 millions de livres. Le but était d’aider le secteur de la restauration après le premier confinement.
Utilisant des données de Google mobility, il a démontré que les restaurants qui participaient ont bien vu une augmentation de leur clientèle, parfois massive. Mais malheureusement, entre 8 et 17% des nouveaux foyers d’infection du COVID ont pu être attribués à cette politique dont la valeur économique s’est avérée de courte durée et dont les conséquences sanitaires ont été désastreuses.
C’est une bonne illustration du fait qu’il faut étudier de façon jointe les effets économiques et sanitaires des politiques publiques. Inciter les britanniques à manger au restaurant pendant une pandémie n’était pas une bonne idée. Cela montre aussi l’importance d’évaluer les politiques en temps réel.