L’action publique en France depuis mars se scinde en deux étapes. La période de confinement fut sur le plan économique bien menée avec le souci permanent de protéger le système productif et le capital humain au moment même où l’activité connaissait un arrêt brutal. La seconde étape, annoncée depuis juillet, est celle du plan de relance. Il faut en constater l’ampleur et l’ambition d’une croissance renouvelée.
L’engagement du verdissement de la croissance est amplifié et on ne peut que s’interroger sur la déception affichée par certains tenants de l’écologie lorsqu’ils ne réalisent pas à quel point 35 milliards d’euros représentent une somme massive.
Mais comme pour tout engagement financier public, le sérieux oblige à ce qu’une évaluation ait lieu ex ante puis sur les résultats au fur et à mesure qu’ils apparaitront. Cette démarche, le Cercle des économistes va la dérouler les 12-13 septembre lors des Rencontres d’Aix-en-Provence en confrontant les propositions de ce plan avec la réalité économique, politique et sociale que ce soit au niveau mondial, européen et français avec une analyse concentrée sur les 100 milliards engagés.
Cependant, une autre question demeure, encore plus délicate à résoudre mais éclairée à l’époque par des post-keynésiens comme Kaldor, Robinson, Kalecki… Bien au-delà d’une vision simplificatrice du keynésianisme consistant à faire du déficit budgétaire pour la relance, ils montrèrent que toute croissance impose un aller-retour permanent entre l’offre et la demande. Le plan français penche à juste titre vers l’offre. Mais reste en suspens la capacité à créer l’articulation entre une production plus compétitive et un comportement plus actif des consommateurs.
C’est là que se profile l’autre défi posé aux pouvoirs publics, celui des 100 milliards accumulés en épargne additionnelle depuis mars. Il y a derrière cette épargne massive un mélange d’épargne forcée due au confinement et d’épargnes de précaution, nourries par la crainte et déjà la réalité du chômage. Aujourd’hui l’objectif n’est pas de réaliser des transferts de pouvoir d’achat qui seraient transformés en nouvelle épargne mais de faire que la confiance dans l’avenir soit suffisante pour que ces 100 milliards-là se transforment pour une partie significative en investissements et en consommation.
Certains investissements manquent à ce plan, comme la relance de la production de logements. Les besoins sont loin d’être satisfaits, alors que le logement reste pour les Français une utilisation cardinale de leur épargne. Mais ceci sera loin d’écluser l’excès d’épargne. Comme il l’a fait pour les véhicules électriques, le gouvernement doit stimuler la consommation. Sans baisser la TVA comme en Allemagne. Chez nous, une telle mesure aurait plus d’inconvénients que d’avantages. La première façon de recréer de la confiance, nécessaire au rebond de la demande, c’est de casser la spirale infernale de la montée du chômage. Le plan jeunes est à cet égard bienvenu. Sera-t-il suffisant ?
Il ne faudrait pas oublier l’extension, souhaitable à notre avis, des programmes d’investissements d’avenir, initiés à l’époque par le « grand emprunt ». Il est difficile d’imaginer qu’un emprunt public aujourd’hui soit lancé à des taux différents des conditions sur les marchés. Mais des carottes fiscales pourraient rendre un tel placement attrayant. Imaginer aussi de nouveaux instruments financiers pour mieux canaliser l’épargne vers l’investissement productif et de long terme. En finance comme ailleurs, le retour de la confiance est la clef de tout le reste.