Une dernière étude publiée par France Stratégie a chiffré le montant des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de la COP21. Jean-Hervé Lorenzi, salue cette évaluation, mais pointe l’arbitrage politique délicat à venir qui opposera jeunes et personnes âgées, entre transition énergétique et transition démographique, chacune exigeant des investissements colossaux.
La note de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz pour France Stratégie, « L’action climatique : un enjeu macroéconomique », est remarquable. Elle exprime parfaitement le sentiment et les travaux de nombreux économistes : la transition énergétique sera extrêmement couteuse. Nous ne pouvons qu’espérer que la Première ministre, qui a confié à M. Pisani-Ferry une mission d’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition écologique, se saisira de cette note, à rebours du discours politique habituel qui consiste à ne parler que d’investissements dans la décarbonation, sans évoquer les problèmes de financement.
Le cout de la transition écologique
C’est donc le premier des mérites de cette note d’avoir chiffré rigoureusement le montant des investissements qu’il nous faudra mettre en place pour atteindre les objectifs de la COP21. D’après ses auteurs, nous devrons investir 2,5 points de PIB supplémentaires en 2030, soit 70 milliards d’euros. Inutile de dire que la note souligne l’absence, aujourd’hui, de solution évidente au financement. Pour beaucoup, l’ampleur de cet effort nécessitera une modification profonde de la fiscalité et, vraisemblablement, en priorité la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne.
Là où, d’après moi, un problème se pose, c’est que cette équation du financement, extrêmement difficile à résoudre, entre en collision parfaite avec un sujet tout aussi important, mais absent du débat public : la prise en charge du grand âge.
De façon schématique, le sujet de la transition énergétique concerne prioritairement la jeunesse alors que la transition démographique, elle, touche d’abord les seniors. On l’oublie trop souvent, ce vieillissement de la population, ce choc démographique – défini comme l’accroissement de l’âge moyen de la population – aura des effets énormes, notamment sur le plan financier.
Vers un choc des financements
On évoque beaucoup le problème des retraites, mais les débats en cours aboutiront à limiter son coût pour la collectivité. Ces débats occultent malheureusement l’enjeu majeur que constitue le grand âge et les maladies neurodégénératives. Il s’agit tout simplement de payer correctement les aidants professionnels et de prendre en charge l’accroissement très significatif des coûts de la santé d’une société vieillissante. D’après nos travaux, ce « choc de financement » s’élèvera à près de 4 points de PIB en 2032[1].
Des deux côtés, les montants à mobiliser sont équivalents ; additionnés, ils sont gigantesques, mais l’un concerne d’abord la jeunesse et l’autre les générations vieillissantes. Chacun a ses arguments, qui justifient tous des dépenses supplémentaires. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les actifs de plus de 50 ans, qui ont aujourd’hui en charge la génération de leurs parents, pencheront davantage pour le financement de la deuxième transition, dont les impacts personnels et financiers leur sembleront plus proches.
Ajoutez à ces choix, en apparence contradictoires, la nécessité de mieux insérer les jeunes dans la société, notamment par le travail, voici une situation à haut risque qui s’annonce, avec la montée des conflits générationnels. Il est urgent de résoudre cette équation, ce qui ne sera possible qu’à la condition d’un débat éclairé avec l’ensemble de la société française. A la fin, la démocratie sera le seul juge de paix en la matière. Or nous le savons, elle voit bien plus s’exprimer les retraités que les jeunes…