Les mouvements de révolte se multiplient à travers le monde, l’incertitude sur une future crise financière grandit… Ses signaux d’alerte devraient nous inciter à consolider le socle politique et budgétaire de l’Union européenne, selon Jean-Paul Betbèze, pour en faire une force capable de se positionner entre la Chine et les Etats-Unis.
On annonce en France, pour le 5 décembre, une « confluence des luttes », avec les syndicalistes contre la réforme des retraites, les « gilets jaunes », les enseignants, les Verts, plus les autres. Mais on oublie peut-être, ailleurs, le Brexit, le ralentissement allemand, les crises politiques italienne et espagnole. Plus loin, le Liban est au bord du gouffre. Plus loin encore, le Chili et la Bolivie sont en quasi-révolte, le Venezuela se meurt et Hong Kong voit monter les violences.
Trop loin ? Dominant le tout, les Etats-Unis ne voient que leurs élections (le 3 novembre 2020) et la Chine navigue en fonction, sachant que Donald Trump doit conclure un accord « victorieux » avec elle, tandis qu’elle tisse ses routes de la soie.
Sparte et Athènes
En face, les Bourses montent et les taux courts et longs baissent, les déficits budgétaires se creusent dans l’indifférence générale, les banques centrales américaine, japonaise et de la zone euro, sans doute aussi chinoise, entassant les bons de leurs Trésors. Alors les marchés financiers se divisent.
« Nous sommes dans une nouvelle croissance, plus lente et moins inflationniste, allons en Bourse », disent les uns. « Nous voilà au bord du précipice, accumulons donc les liquidités », disent les autres. Et les deux de conclure : « Si les choses tournent mal, nous le verrons bien assez tôt : les uns vendront leurs actions, qu’achèteront les autres, ou les banques centrales ! »
Les Etats-Unis poussent à un ralentissement chinois, qui pourrait entraîner une crise financière.
Le monde se retrouve encore, après deux guerres mondiales, face à deux énormes puissances : les Etats-Unis, dans le rôle de Sparte, contre la Chine, dans celui d’Athènes. Les dirigeants chinois ont lu « La Guerre du Péloponnèse » de Thucydide, pas forcément Donald Trump. Tout tourne autour de ces deux forces, qui ne veulent pas s’affronter directement. Les Etats-Unis poussent à un ralentissement chinois, qui pourrait entraîner une crise financière. Mais ils seront touchés eux-mêmes, même s’ils tentent aujourd’hui de s’en isoler.
La Chine poursuit ses alliances, peut-être ses encerclements. A Tachkent, le 2 novembre, elle mène la réunion OCS, avec Russes, Indiens, Pakistanais, Ouzbeks, Tadjiks et Kazakhs. A Bangkok, le 4, c’est « Asean 10+3 », avec Thaïlandais, Philippins, Indonésiens, Vietnamiens et Birmans, juste avant, par hasard, la Foire internationale de Shanghai le 5, avec les Européens et Emmanuel Macron comme invité d’honneur.
Une intégration accélérée
Et ici ? L’Union européenne perd, avec le Brexit, sa seconde puissance nucléaire. La protection militaire des Etats-Unis devient plus payante, sans être plus assurée. Nous dépensons de moins en moins par rapport aux « grands » en armes classiques, sans s’entendre sur les futures. Face à 1.850 milliards de dollars mondiaux en armements, dont les Etats-Unis représentent 650 milliards et la Chine 250, que devient une France qui cumule à peine 60 milliards et une Allemagne à 45 ?
Il ne sert à rien d’effrayer sur la crise financière ou la révolution technologique sans offrir des solutions stratégiques : une Europe forte, une intégration accélérée, des formations adaptées, des modernisations publiques. Le monde bout et les perspectives se perdent : il bout, parce qu’elles se perdent.